Intervenants > Virgili Tommaso

La sécularité au Maghreb : actualité de la recherche / Secularity in the Maghreb (Algeria, Morocco, Tunisia): current research issues
Massensen Cherbi  1, 2, *@  , Nora Lafi  3, *@  , Tachfine Baida  4, *@  , Badr Karkbi  5, *@  , Mahir Atay  6, *@  , Tommaso Virgili  7, *@  , Warda Hadjab  8, *@  , Nadir Elalouani  9, *@  
1 : Merian Centre for Advanced Studies in the Maghreb (MECAM) - Université de Tunis  (MECAM)
2 : German Institute for Global and Area Studies  (GIGA)
3 : Leibniz-Zentrum Moderner Orient
4 : Laboratoire Les Afriques dans le Monde
Sciences Po Bordeaux
5 : Université Moulay Ismail (Meknes)/Institut de recherche Montesquieu
6 : Université de Carthage/laboratoire de Gouvernance
7 : WZB Berlin Social Science Center
8 : CESPRA
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS), École des Hautes Études en Sciences Sociales [EHESS]
9 : Centre universitaire d'Illizi
* : Auteur correspondant

Résumé
La sécularité au Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie) : actualité de la recherche

La loi française sur la séparation de l'Église et de l'État du 9 décembre 1905 a connu une application sélective au Maghreb, sous domination française. Son application était en effet exclue du Maroc et de la Tunisie, alors protectorats (respectivement 1912-1956 et 1881-1956), tandis qu'en Algérie (départements français depuis 1848), la loi renvoyait pour son application à un décret d'application. Publié en 1907, celui-ci vidait de sa substance le principe même de laïcité, en permettant de continuer à subventionner les ministres du culte, afin de mieux les contrôler (Achi, 2005). Le mouvement national algérien sera ainsi marqué aussi bien dans son versant politique (ENA-PPA-MTLD/Fédération des élus-UDMA/PCA) que cultuel (Oulémas), par des revendications réclamant la stricte application de la loi de séparation en Algérie (Achi, 2007). Une fois les indépendances acquises, les différents États de la région seront travaillés par des revendications divergentes. Celle de la laïcité apparaît ainsi dans les débats de la première Assemblée constituante tunisienne (1956-1959) (Bouassida, 2023), tandis que les projets de Constitution de la Fédération de France du FLN (mai 1962) et du Collectif des avocats du FLN (avril 1963) s'en réclamèrent aussi (Cherbi, 2024). Quant au Maroc, les revendications en faveur de la laïcité furent rapidement écartées par les autorités, l'islam ayant en effet servi de légitimation au maintien de la monarchie (Belal, 2003). La reconnaissance de l'islam à titre de religion de l'État au Maroc (Const., 1962) et en Algérie (Const. 1963) ne clarifia pas la question, la doctrine considérant tantôt cette proclamation comme symbolique, tantôt comme source d'effectivité juridique, alors que la Charia n'a jamais été explicitement proclamée source de la législation dans les trois pays centraux du Maghreb, mais seulement à titre de référence subsidiaire, à défaut de loi, dans les statuts personnels algérien et marocain (Cherbi, 2023 ; Laghmani, 1994). En Tunisie, la même question s'était posée jusqu'à la nouvelle Constitution de 2014, sur le fondement d'une disposition plus ambiguë encore, selon laquelle « la Tunisie est un État libre [...] sa religion est l'islam [...] », sans savoir si la religion se référait au pays ou à l'État. En outre, la nuance entre religion de l'État et religion d'État (Camau, 1981) peut s'entendre d'un État « maître de la religion » et non dominé par la religion (Amor, 1996), dans une certaine forme de « laïcité islamique » (Sanson, 1983) ou gallicanisme maghrébin, où l'État a le dernier mot sur la religion, au risque de l'instrumentaliser et d'en faire « sa chose ». De-là la question de la laïcité dans le Maghreb contemporain, revendiquée tantôt selon l'appellation française (RCD algérien), tantôt sous l'appellation polysémique d'État civil (FFS algérien/Const. tunisienne de 2014). Une telle thématique se propose ainsi d'étudier l'actualité de la recherche sur la sécularité au Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie), aussi bien sur le plan de l'histoire coloniale et des mouvements nationaux (1er axe), que sur celui du droit, à travers les controverses doctrinales et jurisprudentielles sur la question, par une évaluation empirique des éléments religieux et séculiers dans des domaines législatifs concrets qui serviront de cas d'étude (2e axe) et sur celui de la science politique, à travers les revendications des sociétés civiles et des partis politiques de la région et les différentes conceptions de la laïcité qu'elles recouvrent (3e axe). 

Abstract
The French law of 9 December 1905 on the separation of Church and State was applied selectively in the Maghreb, under French rule. It did not apply to Morocco and Tunisia, which were protectorates at the time (1912-1956 and 1881-1956 respectively), while in Algeria (French departments since 1848), the law was applied by decree. Published in 1907, this decree emptied the very principle of secularism of its substance, by allowing religious ministers to continue to receive subsidies in order to better control them (Achi, 2005). Both the political (ENA-PPA-MTLD/Fédération des élus-UDMA/PCA) and religious (Oulémas) sides of the Algerian national movement were marked by demands for the strict application of the law of separation in Algeria (Achi, 2007). Once independence was achieved, the various states in the region were affected by divergent demands. The demand for secularism appeared in the debates of the first Tunisian Constituent Assembly (1956-1959) (Bouassida, 2023), while the draft constitutions of the Fédération de France du FLN (May 1962) and the Collectif des avocats du FLN (April 1963) also called for secularism (Cherbi, 2024). In Morocco, demands for secularism were quickly dismissed by the authorities, as Islam had served to legitimise the maintenance of the monarchy (Belal, 2003). The recognition of Islam as the state religion in Morocco (Const.,1962) and Algeria (Const. 1963) did not clarify the issue, with the doctrine sometimes considering this proclamation as symbolic, sometimes as a source of legal effectiveness, whereas the Sharia was never explicitly proclaimed as the source of legislation in the three central Maghreb countries, but only as a subsidiary reference, in the absence of law, in the Algerian and Moroccan personal statutes (Cherbi, 2023; Laghmani, 1994).In Tunisia, the same question had arisen until the new Constitution of 2014, on the basis of an even more ambiguous provision, according to which ‘Tunisia is a free State [...] its religion is Islam [...]', without knowing whether religion referred to the country or the State.Moreover, the distinction between the religion of the State and the religion of the State (Camau, 1981) can be understood in terms of a State that is ‘master of religion' and not dominated by religion (Amor, 1996), in a certain form of ‘Islamic secularism' (Sanson, 1983) or Maghrebian Gallicanism, where the State has the last word on religion, at the risk of exploiting it and making it ‘its own thing'. Hence the question of secularism in the contemporary Maghreb, claimed sometimes under the French name (Algerian RCD), sometimes under the polysemous name of civil state (Algerian FFS/Tunisian Constitution of 2014). The aim of this theme is to study current research on secularity in the Maghreb (Algeria, Morocco, Tunisia), both in terms of colonial history and national movements (1st axis), and in terms of law, through doctrinal and jurisprudential controversies on the issue,through an empirical evaluation of the religious and secular elements in concrete legislative areas that will serve as case studies (2nd axis) and in terms of political science, through the demands of civil societies and political parties in the region and the different conceptions of secularism that they cover (3rd axis).
Key words: Law – Political sciences – Maghreb – Secularity – Laicity – Islam


  • Poster
Personnes connectées : 30 Vie privée
Chargement...