Résumé
Administration clef dès les premières décennies des conquêtes islamiques, l'administration fiscale, et l'impôt plus généralement, constitue un point d'entrée historique pluriel et particulièrement propice à des études sur la société et les dynamiques entre les contribuables et l'Etat – qu'elle que soit la définition que l'on lui donne. Dans l'introduction du volume Ancient Taxation, The Mechanics of Extraction in Comparative Perspective qu'il édite avec Irene Soto Marin, Jonathan Valk liste les raisons permettant d'expliquer pourquoi les gens acceptaient de payer des impôts dans les sociétés politiques pré-modernes. Cette liste inclut l'idéologie, la coercition, la garantie de la stabilité et de la sécurité, l'inertie sociale, le respect de la loi et la force d'institutions.
Cet atelier se concentrera sur la coercition et explorera les dynamiques entre fiscalité et coercition. Nous considérerons un empire islamique étendu (de l'Afghanistan actuel jusqu'à l'Espagne) et privilégierons la diversité des points de vue géographique et chronologique, dans une perspective diachronique. L'enjeu est par ailleurs de mobiliser une grande variété de sources narratives comme documentaires afin de prendre la juste mesure du traitement de ces questions en fonction du matériel utilisé.
Deux moments clefs de la relation fiscalité/coercition seront particulièrement analysés:
· La coercition exercée au moment de la collecte de l'impôt.
Envisagée notamment comme un mode de prévention au non paiement de l'impôt, nous pensons notamment aux formes de pression exercées par l'intimidation. La question de la mise en place de forces institutionnelles ou non-étatiques pour remplir cette tâche nous intéresse particulièrement. Une attention toute particulière sera donc donnée dans cet atelier aux acteurs de l'administration fiscale et de la coercition afin de mettre en lumière les collaborations et/ou compétitions entre forces de l'ordre et fonctionnaires fiscaux. Distingue-t-on une logique entre les types d'impôts et les types d'acteurs ? Comprendre les degrés de coercition, notamment le recours à la contrainte physique, les types de contraintes et les échelles de peines, pourront par ailleurs être explorés. Dans ce cadre, nous sommes également intéressées aux discours théoriques sur ces liens entre fiscalité et coercition.
· La coercition et l'usage de la force en réaction à une situation de non-paiement de l'impôt
A l'inverse, ce deuxième axe de notre atelier considère la coercition comme une réponse à une situation de non-paiement de l'impôt, qu'il s'agisse d'un retard comme dans le cas des arriérés d'impôt, ou d'un refus, allant parfois de pair avec des révoltes qualifiées alors de fiscales. Il s'agira d'envisager quelle place et quelle forme prend alors la coercition et l'usage de la force dans ces scénarios. Nous prendrons également en compte les éventuelles autres formes de réponses qui précèdent ou annoncent le recours à la coercition, comme la persuasion ou la négociation.
Abstract : Taxation and Coercion in the Islamic World during the Pre-Modern Period (7th–16th Centuries)
Fiscal administration, and taxation in general, was a key aspect of governance as early as the first decades of the Islamic conquests. It offers a multifaceted historical entry point, particularly suited to studies of society and the dynamics between taxpayers and the state—however one may define it. In the introduction to the volume Ancient Taxation, The Mechanics of Extraction in Comparative Perspective, which he co-edited with Irene Soto Marin, Jonathan Valk lists several reasons to explain why people in ancient polities would agree to pay taxes: ideology, coercion, the provision of stability and security, social inertia, and the influence of co-opted elements of the social order that enforced compliance, as well as provision of institutions.
This workshop will focus on coercion and explore the dynamics between taxation and coercion. We will consider the Islamic empire in its entirety (from modern-day Afghanistan to Spain), emphasising geographical and chronological diversity from a diachronic perspective. Moreover, the aim is to draw on a wide variety of narrative and documentary sources to fully grasp how these issues were addressed depending on the materials used.
Two key aspects of the relationship between taxation and coercion will be particularly examined:
· Coercion during the collection of taxes
Seen primarily as a means to prevent non-payment of taxes, we are particularly interested in forms of pressure, such as intimidation. The role of institutional or non-state forces in fulfilling this task is of particular interest to us. This workshop will pay special attention to the actors involved in fiscal administration and coercion, to highlight collaborations and/or competitions between law enforcement and tax officials. Is there a discernible rationale linking different types of taxes with different actors? We also aim to explore the varying degrees of coercion, including the use of physical force, the types of constraints, and the scales of penalties. In this context, we are equally interested in theoretical discussions about the links between taxation and coercion.
· Coercion and the use of force in response to tax non-payment.
In contrast, the second focus of our workshop considers coercion as a response to tax non-payment, whether due to delays, such as tax arrears, or outright refusal, sometimes accompanied by revolts labelled as tax-related uprisings. We will examine the role and form that coercion and the use of force take in these scenarios. We will also consider other possible responses that precede or accompany coercion, such as persuasion or negotiation.
Bibliography
Y. Rapoport, Invisible Peasants, Marauding Nomads: Taxation, Tribalism and Rebellion in Mamluk Egypt, Mamluk Studies Review vol. 8, 2004, 1-22.
J. Valk, I. Soto Marin, Ancient Taxation. The Mechanics of Extraction in Comparative Perspective, ISAW/NYU Press, 2021.