Responsables d'ateliers > Benantar Abdennour

Le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord dans les relations internationales au XXIe siècle
Salim Chena  1@  , Abdennour Benantar  2@  
1 : Institut d'Études Politiques [IEP] - Bordeaux  (LAM)
Laboratoire les Afriques dans le Monde
2 : Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis - UFR Langues et cultures étrangères  (UP8 UFR LLCER-LEA)
Fondation pour la recherche stratégique

Les relations internationales du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord ont connu de profondes transformations depuis le début du XXIe siècle. A la suite des attentats du 11 septembre 2001, puis des conséquences géopolitiques des « Printemps arabes », les interventions internationales ont marqué la domination extérieure sur les territoires et la faiblesse relative des gouvernements du Moyen-Orient, de l'Afrique du Nord et de leur voisinage : Afghanistan (2001), Irak (2003), Libye (2011), Mali (2013).

Aujourd'hui, plusieurs indices laissent entrevoir une reconfiguration des relations entre les États de la zone dite « MENA » et les grandes puissances : refus de rompre avec la Russie depuis le conflit ukrainien en 2022 (RIS, 2023), entrée de l'Egypte et des Emirats Arabes Unis dans les BRICS+, rôle de la Chine dans le rapprochement entre Fatah et Hamas, et entre Arabie Saoudite et Iran.

Ces exemples conduisent à questionner l'autonomisation stratégique du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord. Jusqu'où peut-elle s'expliquer en recourant aux enjeux d'inclusion/exclusion de la société internationale mise en avant par l'Ecole anglaise ou le constructivisme ? En quoi est-elle le fruit d'un external balancing de la part de ces gouvernements, ou d'un offshore voire d'un soft balancing venant des puissances émergentes, en suivant une analyse néo-réaliste ? Dans quelle mesure les intérêts des élites et factions dirigeantes pèsent-ils dans ces orientations selon les préceptes du libéralisme ou du marxisme ? Quid du déclin du poids symbolique et normatif de l'ordre et des institutions post-1945 dans les capacités d'autonomisation de ces Etats à partir de visions néo-libérale ou critique ?

L'atelier propose d'étudier l'hypothèse de l'autonomisation stratégique de la zone « MENA » du centre hégémonique des relations internationales autour des Etats-Unis et de leurs alliés à partir des évolutions de la politique internationale (Darwich, 2022). Les communications tenteront de relier cette hypothèse à plusieurs éléments. D'abord, les mutations internes du système régional arabe forment un premier axe de réflexion en prenant acte de la fin du paradigme classique de Malcolm Kerr autour de la « guerre froide inter-arabe » depuis les Accords de Camp David de 1978. Ensuite, ces mutations internes se désarriment des relations avec le centre du système international de moins en moins « unidimensionnel » (Battistella, 2011) ; l'équilibrage des relations extérieures des Etats de la région entre groupes hégémoniques et contre-hégémoniques constituent une transformation récente non-négligeable à élucider. Enfin, l'accroissement des liens commerciaux, humains et politiques vers les périphéries africaines et asiatiques de ces gouvernements contribuent à décentrer la zone MENA ; s'ajoutent, ici, les questionnements aux relations fluctuantes avec les Etats non-arabes de la région (Turquie, Iran, Israël) sur les questions libyennes, sahélo-sahariennes et palestiniennes.

Résumé en anglais :

International relations of the Middle East and North Africa (MENA) have changed significantly since the beginning of the XXIst century. Since the attacks of September 11th, 2001, and the geopolitical consequences of the so-called "Arab Spring", international military interventions illustrated the foreign domination of these territories and the relative weakness of governments in the region and its neighborhood : Afghanistan (2001), Iraq (2003), Libya (2011), Mali (2013).

Several clues, though, signals at the moment a reconfiguration of the relations between the MENA States and the great powers : the refusal to cut relations with Russia since the 2022 invasion of Ukraine (RIS, 2023), the admission of Egypt and the United Arab Emirates in the BRICS+, the role played by China to try to reconcile Fatah and Hamas in Palestine, and Saudi Arabia and Iran in the Gulf.

These examples suggest a possible strategic autonomy gained by the MENA region. Can it be explained using the logic of inclusion/exclusion of the international society as posited by the English School or constructivism in IR theory ? In a neo-realist stance, is it the consequence of an external balancing strategy led by these governments, or is it linked to an offshore balancing, or even a soft balancing strategy designed by the emerging great powers ? To what extent this autonomisation is the result of the pursuit, by the elites or governing factions of the MENA region, of their own interests as liberal or marxist perspectives can lead us to believe ? What about, in a neo-liberal or critical analysis, the symbolic or normative power of the weakened post-1945 world order and institutions ?

This panel aims at studying the hypothesis of a strategic autonomisation of the MENA region from the western hegemonic center of international relations, around the United States and their allies, in the broader context of a rapidly evolving international politics (Darwich, 2022). Proposals are expected to examine this hypothesis in relation to several elements. The internal mutations of the Arab regional state-system constitutes a first angle to approach the twilight of Malcolm Kerr's classical paradigm of the "inter-Arab Cold War" since the 1979 Camp David Accords. Secondly, these internal mutations undo the region's fastenings to the center of the international system in a less and less "unidimensional" world (Battistella, 2011) ; the balancing of the MENA region's international relations between the hegemonic and counter-hegemonic states is a new feature of global politics that still needs to be elucidated. The strenghtening of commercial, human and political links of the MENA states with their African and Asian peripheries undoubtedly contribute to the decentering of the region ; and it also questions the changing relations with non-Arab states in their neighborhood (Turkey, Iran, Israel), particularly about the situations in Libya, the Sahara-Sahel and Palestine.

Bibliographie :

BATTISTELLA D. (2011), Un monde unidimenssionnel, Paris, Presses de Sciences po.

DARWICH M. et al. (2022), « International Relations and Regional (In)security », in Marc Lynch et al. (eds.), The Political Science of the Middle East. Theory and Research since the Arab Spring, Oxford, Oxford University Press, 2022, p. 86-108.

RIS, « Cartographie des positions autour de l'invasion de l'Ukraine par la Russie », Revue internationale et stratégique, n°130, 2023, p. 34-37.


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