Responsables d'ateliers > Nfaoui Mohamed Amyn

Nouveaux horizons du soufisme contemporain
Mohamed Amyn Nfaoui  1, 2@  
1 : Sciences Po  (Sciences Po)
CERI, CNRS
2 : Centre National de la Recherche Scientifique  (CNRS)
CNRS, CNRS : UMR6226

Le soufisme, usuellement défini comme la tradition mystique de l'islam, connaît un nouveau dynamisme. En contexte musulman, ce regain se traduit notamment par le large succès de savants tels que ʿAlī al-Jifri, penseur yéménite basé aux Émirats arabes unis et le succès croissant que connaissent certaines confréries traditionnelles (Tijāniyyah en Afrique de l'Ouest, Haqqani en Indonésie) mais aussi les mouvements d'inspiration soufie (harakat Gülen en Turquie, mouvement barelwi au Pakistan). En contexte non-musulman (principalement en Europe et en Amérique du Nord) le développement du soufisme se caractérise par la transplantation de ces organisations, leur syncrétisme avec la spiritualité New Age mais aussi par un intérêt esthétique trouvé dans la redécouverte d'auteurs tels que le mystique persan Jalāl al-Dīn Rūmī, le succès d'ouvrages comme le roman d'Elif Shafak Soufi mon amour, ainsi que l'engouement pour les « musiques sacrées » ou les représentations dansées de derviches tourneurs.

Ce regain d'intérêt est paradoxal. Premièrement car le soufisme avait été annoncé comme voué à disparaître, décrit par nombre d'analystes comme désuet et remplacé par les mouvements réformistes et revivalistes musulmans, qui, tant dans leur tendance moderniste que dans leurs penchants puritains, étaient considérés comme plus adaptés à la modernité. Deuxièmement car les modalités de ce retour sont intimement liées au contexte politique marqué par les attentats de 2001 et aux agendas des gouvernements dans la guerre contre le terrorisme. Le soufisme s'est vu essentialisé comme une manifestation de l'islam centrée sur la recherche de la relation la plus intime avec Dieu et son désintérêt apparent pour la chose mondaine l'a rendu attractif pour des États en recherche d'un islam modéré dissociant religieux et politique dans un contexte où la lutte contre l'« islam politique » est devenue un enjeu de sécurité globale.

Face à la construction d'un « mauvais islam » cet atelier entend s'interroger à la construction du soufisme comme incarnation du « bon » islam en y réintégrant l'agencéité des acteurs (confréries, intellectuels, artistes) se réclamant du soufisme dans un processus que nous entendons à la fois comme top-down et bottom-up. L'atelier entend ainsi s'intéresser aux nouveaux horizons du soufisme contemporain, et adresse la question désormais classique de son rapport avec le politique tout en conservant une conception large : ce rapport spécifique pourra être abordé tant par les manifestations traditionnelles du soufisme dans l'assise institutionnelle qui est la confrérie que dans ses manifestations spirituelles, philosophiques et artistiques. Les aires régionales sont aussi très larges, puisque nous pensons que ce processus est intrinsèquement international, tout en considérant que ses manifestations diffèrent selon les contextes.

English : In regard with the construction of a ‘bad Islam' following the War on Terror, this workshop intends to examine the construction of Sufism as the embodiment of the ‘good' Islam by reintegrating the agency of the actors (brotherhoods, intellectuals, artists) who claim to be Sufis in a process of "disembedding" Sufism that we understand to be both top-down and bottom-up. The workshop thus intends to focus on the new horizons of contemporary Sufism, and to address the now classic question of its relationship with politics, while retaining a broad conception of the latter: this specific relationship will be approached as much through the traditional manifestations of Sufism in the institutional foundation of the brotherhood as through its spiritual, philosophical and artistic manifestations. The regional areas are also very broad, since we believe that this process is intrinsically international, and that its manifestations differ according to the contexts.

Bibliographie sélective :

- Philippon, A. Soufisme et politique au Pakistan. Le mouvement barelwi à l'heure de la « guerre contre le terrorisme », Paris, Karthala, 2011

- Mamdani, M. Good Muslim, Bad Muslim: America, the Cold War and the Roots of Terror, New York, 2005

- Piraino, F. Le soufisme en Europe. Islam, ésotérisme et New Age, Paris, IRMC-Karthala, 2023

- Werenfels, I. « Beyond authoritarian upgrading: the re-emergence of Sufi orders in Maghrebi politics », The Journal of North African Studies, 2014

- Ewing, K. P. et R. R. Corbett (eds.). Modern Sufis and the State: The Politics of Islam in South Asia and Beyond, Columbia, 2020.


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