Cet atelier se propose d'analyser le rapport des chercheurs en sciences humaines et sociales aux habitants des pays de l'Asie du sud-ouest, objets de leurs études, qu'ils soient des enquêtés, des collègues, des journalistes, etc. Quelle que soit leur discipline, les chercheurs sont confrontés à un environnement linguistique, social, politique et culturel qui leur est d'abord étranger, et en contact avec une population dont ils ne partagent pas les codes, les représentations, les modes de vie. Ces interactions posent des questions méthodologiques et éthiques, d'autant plus que les SHS sont héritières d'un système de pensée colonial et essentialiste que les chercheurs tentent de mettre à distance par leurs positionnements, la contextualisation de leurs recherches et une approche réflexive. Une analyse plus introspectives de nos relations quotidiennes aux pays et à ses populations est néanmoins plus difficile à conduire. Si les modalités de distanciation avec « son terrain », les questions d'engagement ou de vulnérabilité des chercheurs, sont désormais bien intégrées à la réflexion que les chercheurs conduisent sur leurs disciplines et leurs pratiques, les modes d'interaction avec les habitants des pays où ils travaillent sont en revanche peu questionnés. Pourtant, les comportements des chercheurs ne vont pas « de soi » et méritent d'être analysés.
Quel est le statut de nos interlocuteurs et leur place dans nos travaux ? En observant nos pratiques, il apparaît que certaines catégories de personnes, comme les « ouvriers » des chantiers archéologiques ou les interprètes, sont invisibilisées alors qu'elles sont fondamentales dans la conduite des recherches. D'autres, comme les enquêtés, sont tenus à distance des résultats de la recherche alors qu'ils pourraient être intégrés au processus d'analyse ou au moins informés des résultats scientifiques. Les collaborations avec les chercheurs locaux sont souvent très limitées, certains étant parfois utilisés comme source d'information, traducteur de sources ou co-directeur de chantier de fouille, c'est-à-dire comme des facilitateurs plutôt que comme des interlocuteurs scientifiques. Le fait que la production scientifique en arabe soit encore rarement lue et citée n'est-il pas le reflet d'une certaine déconsidération ? Comment s'intégrer au monde académique de la région et intégrer ses résultats ? Quel est l'impacte de la maîtrise de la langue arabe, non seulement pour conduire des recherches mais également pour les diffuser et pour s'imprégner de la culture de nos régions d'étude et éviter de se couper de la société dans laquelle nous travaillons ? Les chercheurs restent-ils à jamais des étrangers ou peuvent-il acquérir une position intermédiaire par leur intégration dans la société (bilinguisme, mariage, etc.) ? Les chercheurs originaires de ces régions mais ayant grandi et/ou fait la plus grande partie de leur formation académique en Europe ont-il un positionnement et un rapport différents aux populations locales ?
Reflections on the relationship between researchers in the humanities and the social sciences and the inhabitants of their study countries
Taking a comparative, multi-disciplinary approach, this workshop will analyze the relationship between researchers in the humanities and social sciences and the inhabitants of the South-West Asian countries they study, whether they are subjects, colleagues, journalists, etc. Whatever their discipline, researchers are faced with a linguistic, social, political and cultural environment that is initially unfamiliar to them, and are in contact with a population whose codes, representations and lifestyles they do not share. These interactions raise methodological and ethical questions, all the more so as the social sciences and humanities are heirs to a colonial and essentialist system of thought that researchers try to distance themselves from through their positioning, the contextualization of their research and a reflexive approach. A more introspective analysis of our day-to-day relations with countries and their populations is, however, more difficult to carry out. While modes of distancing oneself from “our field”, and questions of researcher commitment or vulnerability, are now well integrated into the reflection that researchers carry out on their disciplines and practices, the modes of interaction with the inhabitants of the countries in which they work are, on the other hand, little questioned. Yet the behavior of researchers is not “self-evident”, and deserves to be analyzed.
What is the status of our interlocutors and their place in our work? Observing our practices, it appears that certain categories of people, such as the so-called "workmen” on the archaeological sites or the interpreters, are invisibilized even though they are fundamental to the conduct of research. Others, such as the subjects, are kept at a distance from the research, when they could perhaps be integrated into the analysis process or at least informed of the scientific results. Collaboration with local researchers is often very limited, with some being used as sources of information, translators of sources or co-directors of excavation sites, i.e. as facilitators rather than scientific interlocutors. The fact that scientific production in Arabic is still rarely read or cited seems to reflect a certain lack of recognition. How can we become part of the region's academic world and integrate its results? What is the impact of mastering the Arabic language, not only to conduct research but also to disseminate it and to immerse ourselves in the culture of our study regions and avoid cutting ourselves off from the society in which we work? Do researchers remain foreigners forever, or can they acquire an intermediate position through their integration into society (bilingualism, long-term residence, immigration, marriage, etc.)? Do researchers who originate from these regions but grew up and/or did most of their academic training in Europe have a different positioning and relationship with local populations?