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Sciences, pouvoirs et discours : l'enjeu de l'écriture de l'histoire de l'islam et des musulman(e)s en Islam contemporain / Science, power and discourse: the challenge of writing the history of Islam and Muslims in contemporary Islam
Sahra Ghozi  1@  , Monia Hilal  2@  
1 : École Pratique des Hautes Études  (EPHE)
Sans laboratoire
2 : École doctorale de l'École Pratique des Hautes Études (Paris)  (ED 472)
Groupe Sociétés, Religions et Laïcité-GSRL

Les controverses autour de l'étude de l'islam se sont multipliées ces dernières années à travers le monde. Des acteurs académiques, religieux et/ou étatiques s'emploient à promouvoir un patrimoine civilisationnel islamique selon une approche plus ou moins idéologique et/ou confessante, intégrant ou non les apports des sciences humaines et sociales venues d'Europe.

Dans les milieux académiques, elles peuvent conduire à un renouvellement des discours interprétatifs de la Tradition islamique (turāṯ) ou bien à une censure des savoirs pour protéger telle lecture du dogme musulman ou prémunir les fidèles de l'offense religieuse. Il peut être aussi question d'une refonte épistémologique de la connaissance conçue dans le respect de la croyance duquel émergent de nouveaux courants culturalistes qui connaissent un essor notable en contexte anglo-saxon. La critique renouvelée de l'occidentalisation des savoirs et de l'orientalisme à partir de l'ouvrage éponyme d'E. Saïd (1978), aboutit à un changement de paradigme épistémologique comme en témoigne le livre Is Critique Secular? (2013) rédigé par un collectif composé entre autres de S. Mahmood, J. Butler et T. Asad. Le risque en est une vision essentialisée d'un monde résolument pluriel jusque dans les courants les plus intégraux de l'islam.

Du point de vue diplomatique, on parle de « réécriture de l'histoire » résultant d'une politique culturelle d'un État donné. Elle est à la source d'une lutte pour le monopole interprétatif de l'islam ou de relectures historiographiques pour la construction d'un récit national. Ces jeux de tensions mémorielles trouvent un écho particulier dans les institutions académiques et culturelles telles l'UNESCO chargée de la promotion et la protection des cultures.

Du côté des mobilisations sociales, la tension entre libertés académiques, enjeux de pouvoir et respect des croyances se fait particulièrement ressentir en Amérique du Nord et en pays musulmans alors qu'en Europe, les débats semblent plus libres. L'ouvrage Le Coran des historiens de G. Dye et M. Ali-Moezzi compilant des travaux historico-critiques sur l'histoire du Coran, a connu un succès notable en France même si sa réception ne fait pas l'unanimité parmi les cercles intellectuels et religieux musulmans.

Ces diverses situations interrogent dès lors la tension opérante entre histoire, libertés académiques et enseignements doctrinaux sanctuarisés. En quoi l'histoire devient-elle un outil discursif pour des acteurs en quête de légitimité religieuse, politique et/ou idéologique ? Quels en sont les enjeux ?

Les exemples sont pléthores tels l'étude des migrations et mobilisations, l'étude des rapports entre science islamique classique, historicisation de l'« islam » et courants épistémologiques nouveaux ou celle des traités et éditions encyclopédiques et leurs usages et visées discursifs. L'approche historique sera privilégiée. Seront particulièrement appréciées, sans s'y limiter exclusivement, les communications qui croiseront étude des discours, institutions et itinéraires intellectuels musulmans.

 

Science, power and discourse: the challenge of writing the history of Islam and Muslims in contemporary Islam

Controversies surrounding the study of Islam have multiplied around the world in recent years. Academic, religious and/or state actors are striving to promote an Islamic civilizational heritage based on a more or less ideological and/or confessional approach, whether or not integrating the contributions of human and social sciences from Europe.

In academic circles, they can lead to a renewal of the interpretative discourse of Islamic Tradition (turāṯ), or to a censorship of knowledge to protect a particular reading of Muslim dogma or to protect the worshippers from religious offence. It may also be a question of an epistemological rethinking of knowledge conceived in respect of belief. New culturalist currents emerge and boom especially in the Anglo-Saxon world. The renewed critique of the Westernization of knowledge and of Orientalism, starting with E. Said's eponymous work (1978), is leading to a shift in epistemological paradigm, as evidenced by Is Critique Secular? published in 2013 by a collective including Mahmood, Butler and Asad. The risk is an essentialized vision of a resolutely plural world, even in the most integral currents of Islam.

From a diplomatic point of view, a “rewriting of history” can be the result of the cultural policy of a given state and, therefore, the source of a struggle for the interpretative monopoly of Islam, or of historiographical rereadings for the construction of a national narrative. These interplay of memory tensions find a particular echo in academic and cultural institutions such as UNESCO, which is responsible for the promotion and protection of cultures.

In terms of social mobilization, the tension between academic freedom, power issues and respect for beliefs is particularly acute in North America and Muslim countries, whereas in Europe, debates seem to be freer. The book Le Coran des Historiens by G. Dye and M. Ali-Moezzi, compiling historical-critical works on the history of the Koran, has met with notable success in France, even if its reception is not unanimous in Muslim intellectual and religious circles.

These different situations raise questions about the tension between history, academic freedom and doctrinal teachings. How does history become a discursive tool for actors seeking religious, political and/or ideological legitimacy? What is at stake?

Examples abound, such as the study of migrations and mobilizations, the relationship between classical Islamic science, the historicization of “Islam” and new epistemological currents, or encyclopedic treatises and editions and their discursive uses and aims. The historical approach will be favored. Papers that combine the study of Muslim discourses, institutions and intellectual itineraries will be particularly welcome, but not exclusively so.

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