Du Moyen-Orient jusqu'en Afrique du Nord, ce sont établies des communautés humaines pérennes fondées sur des alliances interspécifiques pour surmonter les fortes chaleurs et les aléas climatiques. Qualifiées rapidement de sociétés des oasis (terme venant du copte qui signifie habiter), ces communautés se sont inscrites dans la longue durée en faisant circuler des savoirs, des savoir-faire, mais aussi des plantes et des animaux sur des milliers de kilomètres pour surmonter les aléas.
Dans cette session, nous souhaitons faire dialoguer à la fois le passé, le présent et le futur de ces alliances multispécifiques. En effet, face aux transformations profondes géopolitiques et climatiques, les systèmes désignés comme oasiens (palmier dattier), méditerranéens (olivier) mais aussi pastoraux (camélidés et ovins) sont considérés comme en crise. Cependant, ce discours ne doit pas occulter les facteurs de résilience et surtout ne doit pas disqualifier des dispositifs ajustés aux fortes chaleurs. De nombreux travaux soulignent l'intérêt de ces legs pour établir des futurs désirables, défendant le principe de la paléoinnovation, soit l'inspiration des innovations du passé pour surmonter les défis futurs (Naji 2019). Ces sociétés méritent alors d'être interrogées à la mesure de leurs capacités à s'adapter pour sans doute mettre en avant ce qui est à même de nourrir des horizons futurs désirables (Breviglieri et al. 2021).
La session est donc ouverte aux approches interdisciplinaires croisant archéologie, histoire, anthropologie, agronomie, architecture, géographie, sociologie. Nous avons identifié plusieurs approches possibles :
Comment penser les legs multiples des relations multispécifiques ? Quelles sont les histoires et les mémoires, toujours actives, qui se transmettent et font sens dans des sociétés fortement influencées par les processus de normalisation diffusés depuis les pays européens et nord-américains ? Quelle est la place des pédagogies et des relations aux jeunes (enfants, adolescents), souvent considérés comme acquis aux nouveaux horizons occidentalisés, alors que ces derniers sont aussi souvent attachés à un faisceau de pratiques et de traditions localisées ? Quel est l'impact de l'effondrement des relations interspécifiques sur la santé physique mais aussi morale de tous ceux et toutes celles qui restent profondément attachés à ces environnements particuliers ? Quelle est la place des rituels, des fêtes et des nouvelles dynamiques créatives qui louent les alliances entre humains et non humains?
Comment les savoirs et les savoir-faire historiques sont aujourd'hui réactualisés dans de nouvelles catégories dites de développement durable à l'image des nouveaux projets financés par les bailleurs internationaux autour de l'agroécologie ou de la permaculture ? Ces nouvelles appellations ne sont-elles pas des nouvelles à contre courant masquant la puissance des dynamiques agroindustrielles associant innovations techniques, intensité capitalistique et exportation internationale? Quelles sont les nouvelles relations entre plantes et animaux historiques, nouvelles espèces et nouvelles variétés et leurs impacts territoriaux ? Comment se redessinent des relations territoriales complexes entre des espèces qui soudainement disparaissent comme Cactus Opuntia, d'autres particulièrement menacées et des espèces férales voire invasives et nuisibles ? Au-delà des discours catastrophistes sur l'effondrement, est-il aussi possible de penser des avenirs positifs autour de la régénération ?
Comment évoluent les institutions historiques qui gouvernaient les communs fonciers environnementaux (sources dédiées à l'irrigation, terrains de parcours, forêts collectives) ? A la fois marginalisées, mais aussi idéalisées, quelle place tiennent-elles face aux nouvelles logiques administratives privilégiant d'autres modalités d'organisation ? Comment ces institutions se transforment-elles dans un contexte de mobilités croissantes et d'un déploiement des logiques de diasporas ? Quelles nouvelles logiques institutionnelles hybrides sont susceptibles d'émerger ?
Abstract
From the Middle East to North Africa, perennial human communities have been established, based on interspecific alliances to overcome extreme heat and climatic hazards. Described as ‘oasis societies' (from the Coptic word for dweller), these communities developed over the long term by circulating knowledge and know-how, as well as plants and animals, over thousands of kilometres to overcome the climatic hazards.
In this session, we want to bring together the past, present and future of these multispecific alliances. In the face of far-reaching geopolitical and climatic changes, systems known as oasis (date palms), Mediterranean (olives) and pastoral (camelids and sheep) are considered to be in crisis. However, this discourse should not obscure the resilience factors and, above all, should not disqualify systems adjusted to extreme heat. Numerous studies have highlighted the value of these legacies in establishing desirable futures, defending the principle of palaeoinnovation, i.e. drawing inspiration from innovations of the past to overcome future challenges (Naji 2019). These societies therefore deserve to be questioned in terms of their capacity to adapt, in order to highlight what is likely to provide desirable future horizons (Breviglieri et al. 2021).
The session is therefore open to interdisciplinary approaches combining archaeology, history, anthropology, agronomy, architecture, geography and sociology. We have identified several possible approaches:
How can we think about the multiple legacies of multispecific relationships? What are the histories and memories, still active, that are passed on and make sense in societies strongly influenced by the standardisation processes disseminated from European and North American countries? What is the role of teaching methods and relations with young people (children, adolescents), who are often considered to have acquired new Western horizons, whereas they are also often attached to a range of local practices and traditions? What is the impact of the collapse of interspecific relationships on the physical and moral health of all those who remain deeply attached to these particular environments? What is the place of rituals, celebrations and the new creative dynamics that celebrate alliances between humans and non-humans?
How are historical knowledge and know-how now being updated in new so-called sustainable development categories, such as the new projects funded by international donors around agro-ecology and permaculture? Aren't these new names a bit of a counter-current, masking the power of agro-industrial dynamics combining technical innovation, capital intensity and international exports? What are the new relationships between historical plants and animals, new species and new varieties, and their territorial impact? How are complex territorial relationships being redrawn between species that have suddenly disappeared, such as Cactus Opuntia, others that are particularly threatened, and feral or even invasive and harmful species? Beyond the doomsaying about collapse, is it also possible to think about positive futures based on regeneration?
How are the historical institutions that governed the environmental land commons (springs for irrigation, grazing land, collective forests) changing? Both marginalised and idealised, what role do they play in the face of new administrative approaches that favour other forms of organisation? How are these institutions being transformed in a context of increasing mobility and the deployment of diasporas? What new hybrid institutional logics are likely to emerge?