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« Lieux de culte minoritaire » au Maghreb : un patrimoine religieux en situation (post)coloniale (XIXe-XXIe siècles). Histoire, pratiques et architecture (églises et temples) / “Minority places of worship” in the Maghreb: a religious heritage in a (post)colonial situation (19th - 21st centuries). History, practices and architecture (churches and temples)
Romeo Carabelli  1@  , Jérôme Bocquet  2, *@  
1 : CITERES Cités, Territoires, Environnement et Sociétés  (Citeres EMAM)
Université de Tours, Centre National de la Recherche Scientifique
2 : CITERES Cités. Territoires. Environnement et Sociétés  (Citeres EMAM)
Université de Tours, Centre national de la recherche scientifique - CNRS (France)
* : Auteur correspondant

La construction et réappropriation des lieux de culte chrétien a été un enjeu symbolique majeur dans la production des espaces en situation coloniale, plus encore dans les espaces musulmans des empires européens dont l'empreinte métropolitaine a imprimé les bâtiments et leurs usages qui, hier et aujourd'hui encore, s'entendent entre histoire et patrimoine.

Étudier la conception, la réalisation puis les transformations des églises, plus que les synagogues, pour partie implantées bien avant l'arrivée de la France en Afrique du Nord, permet de mieux comprendre le fonctionnement de la société coloniale, la place des colons et les interactions entre les communautés durant ces deux siècles qui ont vu, au gré des bouleversements politiques, l'arrivée des colons, - majoritairement catholiques -, le départ des pieds-noirs et la fin d'une Église européenne, puis, aux lendemains des accords d'Évian et des indépendances, l'arrivée des coopérants au temps de Vatican II avant celle, plus encore, d'immigrés, catholiques et protestants, du Sud saharien dont les pratiques religieuses et l'appropriation des lieux de culte reflètent l'évolution des communautés chrétiennes en AFN depuis le XIXe siècle entre Église des colons et Église des marges.

Les églises donnaient ainsi matière à la représentation de la puissance colonisatrice, constituant autant de points de repères dans l'espace de la faction dominante bien que minoritaire de la population coloniale. Leur construction était l'occasion de réaliser des architectures monumentales qui ont alors caractérisé les quartiers européens dits « modernes ». La construction de ces édifices religieux catholiques, protestants à un degré moindre, ont en effet marqué l'espace urbain de ces quartiers coloniaux nouvellement construits.

À l'aube du XXIe siècle, plus de 50 ans après des indépendances, marquées par la transformation de nombre d'églises, nous observons une nouvelle attention envers des lieux de culte anciennement marqueurs de l'empreinte coloniale dans la ville qui, tout en commençant à être perçus comme des éléments d'un patrimoine architectural national, deviennent des lieux de culture. Certains néanmoins sont demeurés des lieux de culte, ceux d'une religion perçue et pensée comme minoritaire dont les usagers comme les usages ont pourtant profondément changé. Loin d'être le lieu d'expression d'un pouvoir religieux, politique et social d'une minorité de colons européens, une nouvelle population catholique s'est emparée de ces lieux de culte chrétiens, d'abord les pieds-rouges apôtres d'une Église conciliaire, puis une population issue d'une immigration africaine, arrivée plus récemment dans la région et adepte de nouvelles pratiques parfois charismatiques et perçues comme prosélytes.

Nous nous proposons donc d'observer la place et les évolutions des pratiques cultuelles derrière la construction et les utilisations religieuses, politiques et symboliques des édifices religieux érigés dans l'Algérie française et sous le protectorat marocain et tunisien. Il s'agira ainsi de comprendre les enjeux architecturaux, historiques et patrimoniaux de la réalisation en AFN, terre arabe et musulmane, d'une architecturale religieuse catholique et de décrypter la symbolique, les usages et l'appropriation, aujourd'hui encore, de ce patrimoine religieux qui s'inscrit pourtant dans des espaces à l'origine à la fois minoritaire, chrétienne et coloniale.

 

“Minority places of worship” in the Maghreb: a religious heritage in a (post)colonial situation (19th - 21st centuries). History, practices and architecture (churches and temples).

The construction and reappropriation of Christian places of worship was a major symbolic space-production issue in colonial situations. It was crucial in Muslim areas of European empires, where metropolitan imprints left their marks on the buildings and their way of use. Nowadays, those worships are understood to be somewhere in between history and heritage.

Analysing the design, construction and transformation of worship places in colonial churches and temples (rather than synagogues, some of which were on-site largely before French arrival in Northern Africa) provides a better understanding of colonial society functioning.

 Which ones are the interactions among communities over the two last centuries? The arrival of colonists – the majority of whom were Catholics - then the departure of the Pieds noirs, the end of a European Church, the arrival of the NGOs workers at the time of Vatican II, the arrival of immigrants – both Catholics and Protestants – from the southern Sahara, are major issues of this subject. The core of this is the evolution of Christian communities in AFN since the 19th century from the settlers' Church and the Church on the margins.

Churches were landmarks of the dominant, albeit minority, part of the population and they were a tangible representation of colonial power. Frequently, their construction was a chance to create monumental architecture, characterising the so-called “modern” districts. The construction of these Catholic, and sometimes Protestant, religious buildings left their mark on newly built colonial districts.

At the dawn of the twenty-first century - more than 50 years after independence and the transformation of many churches - we are witnessing a new focus on places of worship. They were formerly a part of the colonial imprint on the city and are now becoming places of culture and a part of the national architectural heritage. However, some of them are still places of worship; Christianism is still a minor religion, and most believers have changed profoundly.

Far from being an expression of religious, political and social power, a new Christian population has taken over these places of worship, firstly the pieds-rouges apostles of a conciliar Church, then a population of recently arrived immigrants from south Sahara Africa; adept at new practices that are sometimes charismatic and perceived as proselytising.

Therefore, we aim to look at the material places but also at the changes in religious, political and symbolic uses of the religious buildings erected in French Algeria and under the Moroccan and Tunisian protectorates. The aim is to understand the architectural, historical and heritage issues involved in the creation of Catholic religious architecture in AFN, an Arab and Muslim land, and to decipher the symbolism, uses and appropriation, even today, of this religious heritage, which is nevertheless part of spaces whose origins are both minority, Christian and colonial.

Keywords: Contemporary history, geography, Maghreb, Worship places, Architecture, Recent heritage, Patrimonialisation process



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