Acteurs urbains en circulation entre les capitales du Moyen-Orient et d'Asie centrale
Roman Stadnicki  1, 2@  
1 : Cités, Territoires, Environnement et Sociétés  (CITERES)
Université de Tours, Centre National de la Recherche Scientifique, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR7324
33 allée Ferdinand de Lesseps BP 60449 37204 Tours cedex 3 -  France
2 : Université de Tours  (UT)
Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique

Depuis quelques années, les relations entre le Moyen-Orient (incluant ici la Turquie) et l'Asie centrale se renforcent sur les plans géostratégique et géoéconomique (nouvelles liaisons aériennes, partenariats sécuritaires et énergétiques, contrats de coopération, etc.), dans un contexte de réorientation des échanges mondiaux suite à la guerre en Ukraine et aux tensions en mer Rouge. Ce rapprochement entre régions émergentes rompues au néolibéralisme économique et à l'autoritarisme est particulièrement marqué entre les pays du Golfe et ceux d'Asie centrale, qui ont tenu leur tout premier sommet de coopération en 2023 à Djeddah. Il émane de capitales servant de vitrine à des régimes qui cherchent à asseoir leur légitimité et à accroître leur visibilité internationale (Rossman, 2017 ; Koch 2018). Les acteurs urbains – institutions publiques, multinationales de promotion immobilière, bureaux d'étude et cabinets d'architecture – tirent donc profit de la situation. La signature en 2009 d'un accord entre les gouvernements du Kazakhstan et des Emirats arabes unis portant sur la construction, par le promoteur émirien Aldar, d'un complexe plurifonctionnel dominé par le plus haut gratte-ciel d'Asie centrale, à Astana, est un cas emblématique. Baptisé Abu Dhabi Plaza, ce projet a ouvert la voie à d'autres accords intergouvernementaux impliquant des entreprises immobilières. Sa réalisation a en outre constitué un tournant dans le propre développement d'Aldar aux Émirats arabes unis et ailleurs dans la région, en Égypte notamment où le promoteur a récemment acquis 85% du capital de SODIC, l'entreprise chargée du développement de villes nouvelles en banlieue du Caire.

Dans cette ouverture de nouveaux canaux d'investissement et de coopération urbaine souvent incarnés par de puissants fonds souverains, comment comprendre les interactions/intersections entre ces différents objets de circulation : capitaux, acteurs, modèles et « cultures urbanistiques » (Souami, Verdeil, 2006) ? Quels rapports de pouvoir interrégionaux sont révélés par ces échanges ? Comment ces derniers se traduisent-ils concrètement (et symboliquement) dans des capitales telles que Abu Dhabi, Ankara, Tachkent et Astana par exemple ? Comment ces dernières accroissent-elles en retour leur influence sur la scène politique et économique régionale ?

En plaçant le regard à l'échelle des projets urbains et des acteurs qui les portent, cet atelier ne se contente pas d'examiner la matérialisation urbaine de ce rapprochement diplomatique. Il souhaite aussi, à l'inverse, interroger l'autonomie des acteurs non-étatiques de la fabrique urbaine. Il ambitionne ainsi de comprendre, d'une part, si la géographie qui se forme avec ces circulations permet de faire émerger de nouveaux acteurs locaux, ou si elle vient consacrer la domination de certains grands groupes immobiliers, notamment basés en Turquie ou dans les pays du Golfe ? Cet atelier voudrait, d'autre part, prêter attention à la morphologie, aux paysages, produits par ce phénomène de circulation urbanistique, mais aussi à la communication, aux images, qui les précèdent, afin d'étudier la symbolique qui s'en dégage ; sans négliger l'observation des pratiques socio-spatiales de ces espaces urbains émergents.

Orientations bibliographiques

Koch, N. 2018. The Geopolitics of Spectacle: Space, synecdoche, and the new capitals of Asia. New York : Cornell University Press.

Rossman, V. 2017. Capital Cities: Varieties and Patterns of Development and Relocation. London : Routledge.

Souami T., Verdeil E., 2006. Concevoir et gérer les villes - Milieux d'urbanistes du sud de la Méditerranée. Paris : Economica.

 Abstract

In recent years, relations between the Middle East (including Turkey) and Central Asia have been strengthened on geostrategic and geo-economic levels (new air links, security and energy partnerships, cooperation contracts, etc.), against a backdrop of a reorientation of world trade following the war in Ukraine and tensions in the Red Sea. This rapprochement between emerging regions that are no strangers to economic neo-liberalism and authoritarianism is particularly marked between the countries of the Gulf and those of Central Asia, which held their very first cooperation summit in 2023 in Jeddah. It emanates from capitals that serve as showcases for regimes seeking to consolidate their legitimacy and raise their international profile (Rossman, 2017 ; Koch 2018). Urban players - public institutions, multinational property developers, design offices and architecture firms - are therefore taking advantage of the situation. The signing in 2009 of an agreement between the governments of Kazakhstan and the United Arab Emirates for the construction, by UAE developer Aldar, of a multi-purpose complex dominated by the tallest skyscraper in Central Asia, in Astana, is an emblematic case. Named Abu Dhabi Plaza, this project paved the way for other intergovernmental agreements involving real estate companies. Its completion also marked a turning point in Aldar's own development in the United Arab Emirates and elsewhere in the region, notably in Egypt, where the developer recently acquired an 85% stake in SODIC, the company responsible for developing new towns on the outskirts of Cairo.

With new channels of investment and urban cooperation opening up, often embodied by powerful sovereign wealth funds, how can we understand the interactions/intersections between these different objects of circulation: capital, players, models and 'urban planning cultures' (Souami, Verdeil, 2006)? What inter-regional power relationships are revealed by these exchanges? How are they reflected in concrete (and symbolic) terms in capitals such as Abu Dhabi, Ankara, Tashkent and Astana? How do these cities in turn increase their influence on the regional political and economic scene?

By focusing on the scale of urban projects and the players behind them, this panel will not be content with examining the urban materialisation of this diplomatic rapprochement. Conversely, it also aims to examine the autonomy of non-state actors in the urban fabric. The aim is to understand, firstly, whether the geography that is taking shape as a result of these movements is enabling new local players to emerge, or whether it is confirming the dominance of certain major real estate groups, particularly those based in Turkey or the Gulf States. On the other hand, this panel will be looking at the morphology and landscapes produced by this phenomenon of urban circulation, as well as the communication and images that precede it, in order to study the symbolism that emerges, without neglecting to observe the socio-spatial practices of these emerging urban spaces.


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