La France dans l'espace transnational kurde / France in the Kurdish transnational space
Rémi Carcélès  1, 2@  , Tony Rublon  3, 4, 5, *@  , Stephane De Tapia  6, *@  , Armand Aupiais  7, *@  , Yoann Morvan  8, *@  , Zelal Koç  9, *@  , Paul CavaillÉ  10, *@  
1 : Centre méditerranéen de sociologie, de science politique et d'histoire  (Mesopolhis)
Sciences Po Aix - Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence : UMR7064, Aix Marseille Université : UMR7064, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR7064, Sciences Po Aix - Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence, Aix Marseille Université, Centre National de la Recherche Scientifique
2 : Institut Convergences Migrations (ICM)
Collège de France, EHESS, CNRS, École Pratique des Hautes Études [EPHE], INED, Institut de Recherche pour le Développement - IRD (FRANCE), Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale - INSERM, Université Paris 1-Panthéon Sorbonne
3 : Migrations internationales, espaces et sociétés [UMR 7301]
CNRS
4 : Centre population et développement
Institut de recherche pour le développement [IRD]
5 : Institut Convergence Migration
CNRS
6 : Laboratoire interdisciplinaire en études culturelles  (LINCS)
Université de Strasbourg, CNRS
7 : Unite de recherche migrations et sociétés  (URMIS)
Université de Nice Sophia-Antipolis
8 : Centre méditerranéen de sociologie, de science politique et d'histoire  (Mesopolhis)
Aix-Marseille Université - AMU
9 : Laboratoire Architecture Anthropologie  (LAA)
ENSA Paris la villette
10 : Centre de recherches et d'analyses géopolitiques
Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis
* : Auteur correspondant

La France dans l'espace transnational kurde / France in the Kurdish transnational space

Résumé en français : Dans son article de 1996 sur « La France dans l'espace transnational turc », le géographe Stéphane de Tapia s'intéresse aux caractéristiques potentiellement spécifiques de l'immigration turque en France, dont il est spécialiste, par rapport aux autres foyers d'installation de cette population migrante en Europe, formant par ses liens au pays d'origine un “espace transnational” à part entière. Son analyse se base notamment sur l'étude des différents flux et réseaux qui structurent ce champ migratoire particulier, pour en faire un espace dynamique dont chacune des parties est en contact avec les autres en son sein. L'idée que nous souhaitons développer dans le cadre de cet atelier repose tout d'abord sur l'hypothèse qu'il existe un espace transnational kurde formé par l'ensemble des foyers d'installations de la diaspora kurde en Europe - voire à l'échelle globale -, notamment ceux issus de l'immigration de Turquie étudiés par Stéphane de Tapia. Mais aussi que cet espace transnational kurde est influencé par chacune de ses parties dans son évolution, et non seulement par les territoires d'origine des Kurdes en exil. Les différents foyers d'installations de la diaspora ont eux aussi une influence sur l'évolution constante de l'espace transnational kurde, à travers leur rôle dans les différents réseaux et flux qui le structurent. L'objectif de cet atelier est dès lors de confronter nos travaux respectifs sur ces différents flux et réseaux constitutifs de la dynamique structurant les relations entre la diaspora kurde et ses territoires d'origine, à ceux d'autres chercheur.se.s s'intéressant également à la question, dans une ambition multi-scalaire et pluri-disciplinaire. Les Kurdes sont régulièrement observés et analysés dans le cadre de leur espace d'installation et/ou de leur relation au pays d'origine. Le regard que nous proposons se situe au croisement de la sociologie, de la géographie et des sciences politiques, nous invitant à déplacer la focale du groupe humain vers le territoire transnational produit et reconfiguré en contexte migratoire. Nous pensons que les lieux et les territoires des migrations des Kurdes en France ne sont pas isolés des autres pôles d'installation, mais sont au contraire connectés par ce que nous qualifions de « circulations migratoires » qui lient et mettent en tension « un champ » qui englobe l'espace mis en connexion par ces circulations. Nous proposons donc dans cet atelier d'étudier les Kurdes installés en France à travers leurs mobilités, nationales et internationales, et les relations qu'ils entretiennent avec les autres lieux, les autres pôles de cet espace transnational. Les liens entre les Kurdes et leur territoire d'origine n'ont jamais été totalement rompus mais ont dessiné avec le temps un champ migratoire dans lequel se déploie notamment les Etats d'origine ainsi que différents acteurs politiques et culturels. L'intégration des Kurdes de la diaspora dans la compétition électorale de leur pays d'origine amplifie par exemple le rôle des réseaux politiques transnationaux et vient questionner, redéfinir les processus d'identification politique et identitaire en contexte migratoire. Le champ migratoire transnational évoqué par Stéphane de Tapia a ainsi fortement évolué au cours des trente dernières années, entre autres par la densification et la complexification des relations au(x) pays d'origine. Nous proposons ainsi d'illustrer les façons dont les Kurdes pratiquent aujourd'hui cet espace transnational.

English version : In his 1996 article “La France dans l'espace transnational turc”, geographer Stéphane de Tapia focuses on the potentially specific characteristics of Turkish immigration in France, a field of study in which he specializes, in relation to the other settlements of this migrant population in Europe, forming a distinct “transnational space” through its links to the country of origin. His analysis is based in particular on the study of the various flows and networks that structure this particular migratory field, making it a dynamic space in which each part is in contact with the others within it. The idea we wish to develop in this workshop is based first and foremost on the hypothesis that there is a Kurdish transnational space made up of all the centers of settlement of the Kurdish diaspora in Europe - and perhaps even on a global scale - particularly those resulting from the immigration from Turkey studied by Stéphane de Tapia. But this Kurdish transnational space and its evolution are also influenced by each of its parts, and not only by the territories of origin of the Kurds in exile. The various diaspora settlements also have an influence on the constant evolution of Kurdish transnational space, through their role in the various networks and flows that structure it. The aim of this workshop is therefore to compare our respective work on these different flows and networks that make up the dynamics structuring relations between the Kurdish diaspora and its territories of origin, with that of other researchers also interested in the issue, in a multi-scalar and multi-disciplinary ambition. Kurds are thus regularly observed and analyzed in the context of their settlement space and/or their relationship to their country of origin. The perspective we propose lies at the crossroads of sociology, geography and political science, inviting us to shift the focus from the human group to the transnational territory produced and reconfigured in a migratory context. We believe that the places and territories of Kurdish migration in France are not isolated from other poles of settlement, but are on the contrary connected by what we call “migratory circulations” that link and put in tension “a field” that encompasses the space connected by these circulations. In this workshop, we propose to study the Kurds living in France through their national and international mobilities, and the relations they maintain with the other places and poles of this transnational space. The links between the Kurds and their homeland have never been completely severed, but over time they have formed a migratory field in which the states of origin and various political and cultural players are involved. The integration of Kurds from the diaspora into the electoral competition in their country of origin, for example, enhances the role of transnational political networks and questions and redefines the processes of political identification and identity in a migratory context. The transnational migratory field evoked by Stéphane de Tapia has thus evolved considerably over the last thirty years, with relations to the country(ies) of origin becoming denser and more complex. We therefore propose to illustrate the ways in which Kurds today practice this transnational space.

Responsable(s) / Leader(s) : Rémi CARCÉLÈS (Aix-Marseille Université / MESOPOLHIS, remi.carceles@gmail.com)

Discutant / Chairperson : Stéphane DE TAPIA (Université de Strasbourg / LinCS, stephane.detapia@misha.fr)

Tony RUBLON (Université de Poitiers / MIGRINTER, rublontony@gmail.com)  

Mobilités et pratiques transnationales des kurdes installés en France / Transnational mobility and practices of Kurds living in France

Résumé en français : Si les enjeux liés à la citoyenneté d'origine et à la régularisation administrative vis-à-vis des autorités du pays d'accueil sont évidemment centraux dans la compréhension du fonctionnement du groupe diasporique, nous avons choisi d'observer et d'analyser ce dernier de l'extérieur, par ses mobilités et ses relations avec d'autres pôles, d'autres lieux de la diaspora en Europe et avec le pays d'origine. Nous avons donc choisi d'observer les migrants originaires de Turquie installé en France en nous concentrant sur leurs mobilités et leur présence à l'étranger, principalement en Grèce et en Belgique ; et dans leur pays d'origine : en Turquie. Les lieux et territoires de la migration turque en France ne sont pas isolées des autres pôles d'installation de la diaspora en Europe mais sont au contraire connectés par ce que la géographie qualifie de « circulation migratoire » qui connectent, lient et mettent en tension un champ migratoire qui englobe la totalité de l'espace mis en connexion par ces mobilités. Par cette entrée théorique, notre thèse propose une analyse géographique d'un phénomène politique : l'exil des Kurdes et des opposants politiques de Turquie et la construction de ce que nous appelons un champ de l'exil. Nous proposons de présenter les premiers résultats, les premières analyses des entretiens que nous avons pu réaliser en France, en Grèce, en Belgique ou en Turquie avec des hommes et des femmes originaires de Turquie installés en France. Toutes et tous ont en commun un engagement en France auprès d'associations, d'organisations culturelles et politiques kurdes et/ou proche de l'opposition politique de Turquie. En revenant sur l'histoire spécifique d'un lieu d'installation, la ville de Rennes, nous verrons comment ses membres, qu'ils soient Kurdes ou même Turc alévies ou sunnites, pratiquent aujourd'hui l'espace transnational que nous qualifions de champ de l'exil. Leur rapport au pays d'origine est complexe et nous verrons comment l'État turc instrumentalise aujourd'hui ces liens qui n'ont jamais été coupé entre les Turcs, les Kurdes et leur terre d'origine. De Rennes à Athènes en passant par Strasbourg et Erbil, c'est donc l'espace du champ de l'exil qui constitue l'espace notre étude et les migrants originaires de Turquie installé en France notre objet de recherche.

English Abstract : While the issues linked to citizenship of origin and administrative regularisation vis-à-vis the authorities of the host country are obviously central to understanding how the diaspora group functions, we have chosen to observe and analyse it from the outside, through its mobility and its relations with other poles, other places in the diaspora in Europe and with the country of origin. We have therefore chosen to observe migrants from Turkey living in France by focusing on their mobility and presence abroad, mainly in Greece and Belgium, and in their country of origin: Turkey. The places and territories of Turkish migration in France are not isolated from the other poles of settlement of the diaspora in Europe but are, on the contrary, connected by what geography describes as ‘migratory circulation' which connects, links and puts in tension a migratory field that encompasses the entire space connected by these mobilities. Using this theoretical approach, our thesis proposes a geographical analysis of a political phenomenon: the exile of Kurds and political opponents from Turkey and the construction of what we call a field of exile. We propose to present the initial results and analyses of the interviews we were able to conduct in France, Greece, Belgium and Turkey with men and women of Turkish origin living in France. What they all have in common is a commitment in France to Kurdish associations, cultural and political organisations and/or those close to the political opposition in Turkey. By looking back at the specific history of a place of settlement, the city of Rennes, we will see how its members, whether Kurds or even Alevi or Sunni Turks, today practice the transnational space that we describe as the field of exile. Their relationship with their country of origin is complex, and we will see how the Turkish state is now exploiting these links, which have never been severed between Turks, Kurds and their homeland. From Rennes to Athens, via Strasbourg and Erbil, the field of exile is the focus of our study, and migrants from Turkey living in France our object of research.

Armand AUPIAIS, Yoann MORVAN, Zelal KOÇ (Aix-Marseille Université / MESOPOLHIS, yoannmorvan@yahoo.com)

Immigrés et descendants d'immigrés dans l'émergence d'un pôle transnational kurde à Marseille / Immigrants and their descendants in the emergence of a Kurdish transnational pole in Marseilles

Résumé en français : À Marseille, la population kurde de Turquie a connu récemment un accroissement significatif. Estimée à 6000 personnes au début des années 2010, elle atteindrait plus de 15 000 personnes aujourd'hui. Une filière migratoire relie des périphéries du Kurdistan turc (Erzurum et Muş) aux quartiers nord de Marseille, c'est-à-dire des espaces subalternes tant du point de vue du (trans)national que de l'insertion urbaine. Par hypothèse, cette filière spécifique semblerait relativement autonome vis-à-vis des mégapoles stambouliote et parisienne. Par rapport à d'autres villes d'Europe occidentale, à Marseille, la population kurde est étonnamment devenue plus nombreuse que la population turque, avec une importante visibilité aussi dans des espaces plus centraux (Belsunce, Belle de Mai). La métropole marseillaise constitue désormais un point d'appui cardinal de cette filière migratoire transnationale kurde. Au tournant des années 2010, une partie des travailleurs et entrepreneurs du bâtiment se tournent vers la restauration et le commerce, synonyme d'une sédimentation de la présence kurde locale. Si un flux continu d'immigration nourrit démographiquement cette diaspora, les Kurdes nés ou primo-socialisés à Marseille contribuent activement à l'ancrage communautaire. Leur participation semble marquer un saut qualitatif dans cette expansion (abaissement de la barrière linguistique et acquisition de capitaux culturels et scolaires). En outre, un regard plus attentif aux trajectoires kurdes autochtones permet d'interroger les bifurcations culturelles et politiques des transnationalismes kurdes en Europe. Moins exposés aux politiques d'assimilation de la Turquie (d'où une baisse de la pratique de la langue turque), les Kurdes marseillais paraissent davantage impliqués dans les socialisations inter-minoritaires locales. Comment ces immigrés et descendants d'immigrés font de ce pôle marseillais émergent un nouveau maillon de l'espace transnational kurde ?

English Abstract : The Kurdish population of Marseilles has recently grown significantly. Estimated at 6,000 in the early 2010s, it is now thought to number over 15,000. A migratory network links the outskirts of Turkish Kurdistan (Erzurum and Muş) to the northern districts of Marseille, i.e. subaltern areas in terms of both (trans)nationality and urban integration. By hypothesis, this specific sector would appear to be relatively autonomous from the Istanbul and Paris megacities. Compared with other Western European cities, the Kurdish population of Marseilles has surprisingly become more numerous than the Turkish population, with a high profile also in the more central areas (Belsunce, Belle de Mai). The metropolis of Marseille is now a cardinal point of support for this transnational Kurdish migratory route. At the turn of the 2010s, some of the construction workers and entrepreneurs turned to the restaurant and retail sectors, synonymous with the sedimentation of the local Kurdish presence. While a steady flow of immigrants is feeding demographically into this diaspora, Kurds born or originally socialised in Marseille are actively contributing to the community's anchoring. Their participation seems to mark a qualitative leap in this expansion (lowering the language barrier and acquiring cultural and educational capital). In addition, a closer look at indigenous Kurdish trajectories enables us to examine the cultural and political bifurcations of Kurdish transnationalism in Europe. Less exposed to Turkey's assimilation policies (hence a decline in the use of the Turkish language), the Kurds of Marseilles appear to be more involved in local inter-minority socialisation. How do these immigrants and descendants of immigrants turn this emerging Marseille centre into a new component in the Kurdish transnational space?

Paul CAVAILLÉ (Université Paris 8 / IFG Lab, paul.cavaille1@gmail.com)

Les Yézidis du Sinjar en France : une population à la marge de la kurdicité / The Yazidis of Sinjar in France: A Population on the Margins of Kurdishness

Résumé en français : Après les massacres d'aout 2014 perpétrés par l'organisation État islamique à l'encontre de la population yézidie du Sinjar, une part importante de cette population a entrepris de quitter l'Irak pour les pays occidentaux, profitant de nombreux programme facilitant l'obtention de visas destinés aux « minorités persécutées » en Irak. Si les principaux pays d'accueil sont les États-Unis, l'Australie ou l'Allemagne, un certain nombre de familles se sont installées en France. Aujourd'hui, plusieurs travaux montrent le rapport complexe qu'entretiennent les yézidis avec l'identité kurde et le mouvement nationaliste kurde. Cependant, il y a encore peu de travaux qui traitent de cette question concernant la communauté yézidie irakienne en diaspora. A travers ce travail je pose la question suivante : quel est le rapport à l'identité kurde qu'entretient la diaspora yézidie du Sinjar en France ? Je montrerai d'abord que la réponse à cette question est en partie conditionnée par le rapport qu'entretenaient ces Yézidis avec le nationalisme kurde, au Sinjar jusqu'en 2014. L'un des aspects centraux de ce rapport sont les relations entre cette société yézidie du Sinjar et le PDK, principal acteur politique du mouvement national kurde au Sinjar durant cette période. Ce rapport a ensuite été complètement redéfini par les terribles évènements d'aout 2014, en partie attribués à l'abandon du Sinjar par les peshmergas du PDK. Ceci a conduit à la situation actuelle, où l'on est confronté à un rejet ferme de l'identité kurde par la diaspora yézidie du Sinjar en France. Ce rejet est aussi accompagné d'une volonté affichée d'éloignement par rapport à la communauté Kurde musulmane. Cependant, en plusieurs lieux, les Yézidis profitent aussi des réseaux de solidarité kurdes et dans certaines situations peuvent mettre en avant, ponctuellement, leur appartenance à la kurdicité pour bénéficier de ces réseaux.

English Abstract : After the massacres of August 2014 committed by the Islamic State against the Yazidi of Sinjar, a significant portion of this population began to leave Iraq for Western countries, taking advantage of various programs facilitating the issuance of visas for "persecuted minorities" in Iraq. While the main host countries are the United States, Australia, and Germany, a number of families have settled in France. Today, several studies explore the complex relationship between Yazidis and Kurdish identity, as well as the Kurdish nationalist movement. However, there are still few studies on this topic concerning the Iraqi Yazidi community in the diaspora. Through this work, I raise the following question: what is the relationship to Kurdish identity within the Yazidi diaspora from Sinjar in France? I will first show that the answer to this question is partly conditioned by the relationship these Yazidis had with Kurdish nationalism in Sinjar until 2014. One of the central aspects of this relationship is the interaction between the Yazidi society of Sinjar and the PDK, the main political actor of the Kurdish nationalist movement in Sinjar during this period. This relationship was then completely redefined by the terrible events of August 2014, partly attributed to the abandonment of Sinjar by the Peshmerga of the PDK. This led to the current situation, where there is a firm rejection of Kurdish identity by the Yazidi diaspora from Sinjar in France. This rejection is also accompanied by an expressed desire to distance themselves from the Kurdish Muslim community. However, in several places, Yazidis also benefit from Kurdish solidarity networks, and in some situations, they may occasionally emphasize their belonging to Kurdishness to take advantage of these networks.

Rémi CARCÉLÈS (Aix-Marseille Université / MESOPOLHIS, remi.carceles@gmail.com)

Un espace des mouvements sociaux relatifs à la cause kurde spécifique à la France ? / A specific space for social movements relating to the Kurdish cause in France?

Résumé en français : Le sociologue Lilian Mathieu définit « l'espace des mouvements sociaux » comme « un univers de pratique et de sens relativement autonome à l'intérieur du monde social, et au sein duquel les mobilisations sont unies par des relations d'interdépendance » (Mathieu, 2007). L'objectif de cette communication est de décrire la manière dont les réseaux militants relatifs à la cause kurde en France peuvent constituer un espace spécifique des mouvements sociaux au sein de l'espace français des mouvements sociaux et par rapport à l'espace transnational des mobilisations kurdistes. Pour ce faire, ce travail se basera sur une « typologie des espaces et des réseaux » (De Tapia, 2002) du militantisme kurdiste en France, c'est-à-dire sur la description du type d'acteurs et d'organisations kurdes engagé.e.s pour la reconnaissance des droits culturels et politiques kurdes au sein de l'espace français des mouvements sociaux. Une description qui vise à permettre de faire émerger un système de relations d'interdépendances, mais aussi de cadres et de répertoires d'actions spécifiques aux mobilisations relatives à la cause kurde en France, du fait des particularités de la socio-histoire du développement de ces mobilisations dans cet espace national. Se pose dès lors la question de savoir la manière dont cette hypothétique spécificité militante kurdo-française ou franco-kurde s'insère dans l'espace transnational des mobilisations relatives à la cause kurde. Dans la mesure où bien que potentiellement spécifiques à l'espace français des mouvements sociaux, les mobilisations kurdistes en France font avant tout référence à une cause exogène dont les revendications évoluent dans un contexte transnational. Peut-on dès lors considérer que les réseaux militants relatifs à la cause kurde en France aient une influence particulière sur l'espace transnational des mobilisations kurdistes au même titre que cet espace a fondamentalement influencé la constitution de ces réseaux ?

English Abstract : The French sociologist Lilian Mathieu defines “the space of social movements” as “a relatively autonomous universe of practice and meaning within the social world, and in which mobilizations are united by relations of interdependence” (Mathieu, 2007). The aim of this paper is to describe how activist networks relating to the Kurdish cause in France can constitute a specific space of social movements within the French space of social movements and in relation to the transnational space of Kurdish mobilizations. To this end, this work will be based on a “typology of spaces and networks” (De Tapia, 2002) of Kurdish activism in France, i.e. on a description of the type of Kurdish actors and organizations committed to the recognition of Kurdish cultural and political rights within the French space of social movements. This description is intended to reveal a system of interdependent relationships, as well as frameworks and repertoires of action specific to mobilizations for the Kurdish cause in France, given the particularities of the socio-history of the development of these mobilizations in this national space. This raises the question of how this hypothetical Kurdish-French or Franco-Kurdish militant specificity fits into the transnational space of mobilizations relating to the Kurdish cause. To the extent that, although potentially specific to the French space of social movements, Kurdish mobilizations in France refer above all to an exogenous cause whose claims evolve in a transnational context. Can we therefore consider that activist networks relating to the Kurdish cause in France have a particular influence on the transnational space of Kurdish mobilizations, just as this space has fundamentally influenced the constitution of these networks?

 


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