Nouveaux modes religieux et spiritualités alternatives dans la société turque contemporaine : émergence, pratiques et enjeux sociaux / New religious modes and alternative spiritualities in contemporary Turkish society: emergence, practices, and social issues
Kerem Gorkem Arslan  1@  , Samim Akgönül  2, *@  , Özgür Türesay  3, *@  , Tamerlan Quliyev  4, *@  , Théo Malçok  5, *@  , Hatice Sena Aricioglu  6, *@  
1 : Droit, religion, entreprise et société
Université de Strasbourg, CNRS
2 : Université de Strasbourg
UMR 7354 DRES - Droit, Religion, Entreprise et Société ; CNRS - Centre national de la recherche scientifique
3 : École Pratique des Hautes Études  (EPHE)
UMR 7192
4 : Université de Strasbourg
UMR 7354 DRES - Droit, Religion, Entreprise et Société ; ITI MAKErS - Fabrique de la société européenne
5 : Centre d'études turques, ottomanes, balkaniques et centrasiatiques
École des Hautes Études en Sciences Sociales, Sciences Po - Institut d'études politiques de Paris
6 : Koç University
* : Auteur correspondant

Atelier double

Résumé en français :

La Turquie, pays marqué par une forte tradition islamique et une politique laïque héritée de la République kémaliste, connaît depuis plusieurs décennies une diversification notable de ses expressions religieuses et spirituelles. Aux côtés de l'Islam sunnite dominant, de nouveaux modes religieux et des spiritualités alternatives émergent, touchant particulièrement les milieux urbains et les classes moyennes éduquées. Cette évolution est intimement liée aux processus de modernisation, de globalisation, ainsi qu'à la montée des tensions entre conservatisme religieux et recherche de nouvelles formes d'identité spirituelle.

Ces mouvements émergents incluent des pratiques qui vont de la redécouverte du soufisme, aux traditions ésotériques et mystiques, jusqu'aux croyances néo-païennes et le New Age. Le développement personnel, l'astrologie, la méditation, ainsi que des formes de syncrétisme religieux trouvent également un écho croissant, notamment dans les grandes métropoles comme Istanbul et Ankara. Ces phénomènes posent des questions essentielles sur les rapports entre religion, individualisme, et sécularisation dans une société en pleine mutation.

Cet atelier se propose d'explorer la nature, les origines et les conséquences de ces mouvements religieux émergents et spiritualités alternatives en Turquie. Quels facteurs sociopolitiques, culturels et économiques expliquent l'essor de ces pratiques ? Comment ces mouvements sont-ils perçus et encadrés par l'État et les autorités religieuses ? Dans quelle mesure ces nouveaux mouvements viennent-ils répondre aux besoins de quête de sens, d'identité, voire de résistance face aux injonctions d'une société globalisée et modernisée ?

En croisant des perspectives sociologiques, anthropologiques et historiques, cet atelier vise à éclairer les différentes dimensions de ce phénomène. Nous examinerons également comment ces mouvements émergents remettent en question les frontières entre le religieux et le séculier en Turquie, tout en ouvrant de nouvelles voies de compréhension des dynamiques sociales et religieuses contemporaines.

Bibliographie
Akgönül, S. (2024). Atheism, Theism, and Reactivation in Turkey Irreligiosity in a Secular State Under an Islamist Conservative Regime. In S. Akgönül & A.-L. Zwilling (Eds.), Druidism, Tengrism, Taaraism: Current Reactivations of Ancient Spiritualities and Religions, From Identity to Politics (pp. 75–86). Transnational Press London.
Cengiz, K., Küçükural, Ö., & Gür, H. (2021). Türkiye'de spiritüel arayışlar: Deizm, yoga, Budizm, meditasyon, reiki, vb. İletişim.
Dole, C. (2012). Healing Secular Life: Loss and Devotion in Modern Turkey. University of Pennsylvania Press.
Hendrich, B., & Sarmis, D. (2017). The Message Has to Be Spread: On the Character and Significance of Media in the Dissemination of Sufi Content in the Turkish Republic. European Journal of Turkish Studies, 25. https://doi.org/10.4000/ejts.5578
Lord, C. (2018). Religious politics in Turkey: From the birth of the Republic to the AKP. Cambridge University Press.
Silverstein, B. (2011). Islam and Modernity in Turkey. Palgrave Macmillan.
Türesay, Ö. (2024). Osmanlı'da Ruh Çağırma. Fol Kitap.
------------
Abstract in English:

New religious modes and alternative spiritualities in contemporary Turkish society: emergence, practices, and social issues

Turkey, a country marked by a strong Islamic tradition and a secular policy inherited from the Kemalist Republic, has experienced a notable diversification of its religious and spiritual expressions over the past few decades. Alongside the dominant Sunni Islam, new religious modes and alternative spiritualities are emerging, particularly attracting urban areas and the educated middle class. This evolution is closely tied to processes of modernization, globalization, and rising tensions between religious conservatism and the search for new forms of spiritual identity.

These emerging movements include practices ranging from the rediscovery of Sufism to esoteric and mystical traditions, as well as neo-pagan and New Age beliefs. Personal development, astrology, meditation, and forms of religious syncretism are also gaining increasing traction, especially in major cities like Istanbul and Ankara. These phenomena raise essential questions about the relationships between religion, individualism, and secularization in a society undergoing significant transformation.

This workshop aims to explore the nature, origins, and consequences of these emerging religious movements and alternative spiritualities in Turkey. What sociopolitical, cultural, and economic factors explain the rise of these practices? How are these movements perceived and regulated by the state and religious authorities? To what extent do these new movements respond to the needs for meaning, identity, and even resistance to the pressures of a globalized and modernized society?

By intersecting sociological, anthropological, and historical perspectives, this workshop seeks to shed light on the various dimensions of this phenomenon. We will also examine how these emerging movements challenge the boundaries between the religious and the secular in Turkey while opening new paths for understanding contemporary social and religious dynamics.

Bibliography:

  • Akgönül, S. (2024). Atheism, Theism, and Reactivation in Turkey Irreligiosity in a Secular State Under an Islamist Conservative Regime. In S. Akgönül & A.-L. Zwilling (Eds.), Druidism, Tengrism, Taaraism: Current Reactivations of Ancient Spiritualities and Religions, From Identity to Politics (pp. 75–86). Transnational Press London.
  • Cengiz, K., Küçükural, Ö., & Gür, H. (2021). Türkiye'de spiritüel arayışlar: Deizm, yoga, Budizm, meditasyon, reiki, vb. İletişim.
  • Dole, C. (2012). Healing Secular Life: Loss and Devotion in Modern Turkey. University of Pennsylvania Press.
  • Hendrich, B., & Sarmis, D. (2017). The Message Has to Be Spread: On the Character and Significance of Media in the Dissemination of Sufi Content in the Turkish Republic. European Journal of Turkish Studies, 25. https://doi.org/10.4000/ejts.5578
  • Lord, C. (2018). Religious Politics in Turkey: From the Birth of the Republic to the AKP. Cambridge University Press.
  • Silverstein, B. (2011). Islam and Modernity in Turkey (1st edition). Palgrave Macmillan.
  • Türesay, Ö. (2024). Osmanlı'da Ruh Çağırma. Fol Kitap.

 

Atelier 1 : Émergence des nouvelles pratiques spirituelles et religiosités syncrétiques dans la société turque contemporaine

Résumé en français : Cet atelier aborde les dynamiques des mouvements religieux émergents et des spiritualités alternatives dans la Turquie contemporaine, en s'intéressant à la manière dont ces pratiques articulent traditions locales et influences modernes. Les discussions porteront sur des phénomènes historiques tels que le spiritisme et le magnétisme, sur des cercles spirituels offrant des réponses aux vulnérabilités créées par la sécularisation, ainsi que sur les identités néopaïennes et les pratiques spirituelles alternatives. Les nouvelles formes de religiosité syncrétique seront examinées dans le contexte des tensions entre individualisme et conservatisme, se penchant sur les quêtes identitaires et spirituelles dans une société en pleine mutation. 

English version : This workshop addresses the dynamics of emerging religious movements and alternative spiritualities in contemporary Turkey, focusing on how these practices interweave local traditions and modern influences. Discussions will cover historical phenomena such as spiritualism and magnetism, spiritual circles offering responses to vulnerabilities created by secularization, as well as neo-pagan identities and alternative spiritual practices. New forms of syncretic religiosity will be examined in the context of tensions between individualism and conservatism, exploring identity and spiritual quests in a rapidly changing society.

  

Responsable(s) / Leader(s) : Kerem Görkem ARSLAN, Université de Strasbourg, UMR 7354 DRES, kg.arslan@unistra.fr

Discutant / Chairperson : Dilek SARMIS, Université de Strasbourg, UR1340 GEO

 

Özgür TÜRESAY, EPHE, UMR 7192 PROCLAC

Du surnaturel au préternaturel ? Réflexions sur le magnétisme et le spiritisme dans l'Empire ottoman des années 1850 aux années 1910 / From the Supernatural to the Preternatural? Reflections on Magnetism and Spiritism in the Ottoman Empire (1850s-1910s) 

Résumé en français

Le magnétisme et le spiritisme sont introduits dans l'Empire ottoman par Istanbul et Izmir dans les années 1850, se répandant dans des cercles cosmopolites composés de membres des communautés non musulmanes levantines, européennes et ottomanes.

Dans les années 1850 et 1860, un Arménien ottoman d'Izmir publie un livre sur le mesmérisme en arménien et plusieurs articles sur le magnétisme dans des revues européennes de premier plan, fournissant des informations sur les pratiques magiques en Anatolie, les comparant au magnétisme et soulignant leurs similitudes. Les activités des magnétiseurs et spirites d'Istanbul étaient des thèmes récurrents de la Revue spirite d'Allan Kardec et d'autres revues spirites françaises qui y reproduisaient leurs lettres. Un discours religieux contenant parfois des éléments socialistes-républicains-révolutionnaires domine dans les cercles spirites d'Istanbul, surtout dans les premières années. Certains de ces magnétiseurs et spirites de la première génération étaient affiliés à des loges maçonniques, rappelant les fondements intellectuels communs de la franc-maçonnerie et des doctrines du magnétisme et du spiritisme. 

Des publications en turc sur le magnétisme et le spiritisme apparaissent dès les années 1870. Dans les années 1880 et 1890, les spectacles d'hypnose et de magnétisme à Istanbul semblent s'être multipliés au point d'attirer l'attention non seulement de la presse mais aussi des autorités politiques. Dans ces années où la psychologie était encore en cours de construction comme une discipline scientifique autonome et légitime et ce même en Europe, on peut imaginer que les textes sur l'hypnotisme et le magnétisme ont eu un certain effet sécularisant sur une partie de l'élite impériale. Après la révolution de 1908, alors que les publications sur le magnétisme se poursuivent, on assiste à une véritable explosion des publications sur le spiritisme. C'est également à cette époque que les premières réactions islamiques au magnétisme et au spiritisme ont été formulées, comparant la doctrine islamique du surnaturel aux théories du magnétisme et du spiritisme.

English Abstract

The Ottoman Empire, with its multi-religious society, is a highly stimulating case study for studying magnetism and spiritualism. Magnetism and spiritism entered Ottoman society through Istanbul and Izmir in the 1850s, spreading to cosmopolitan circles composed of members of Levantine, European and Ottoman non-Muslim communities. 

In the 1850s and 1860s, an Ottoman Armenian from Izmir published a book on Mesmerism in Armenian and several articles on magnetism in leading European journals, providing information on magical practices in Anatolia, comparing them with magnetism and drawing attention to the similarities between them. French literature on spiritism sold out in Istanbul bookstores in the 1860s, Pera's magnetists and spiritists were frequent subjects of Allan Kardec's Revue spirite and other French spiritist journals, and they were visible to the international spiritist community through the letters they sent and the paintings and compositions they produced through mediumship. Religious discourse dominated in Istanbul spiritist circles, especially in the early years, but this religiosity sometimes contained socialist-republican-revolutionary elements. Some of these first-generation magnetists and spiritists were affiliated with Masonic lodges, recalling the common intellectual foundations of Freemasonry and the doctrines of magnetism and spiritism. 

Turkish publications on magnetism and spiritism began to appear in the 1870s. In the 1880s and 1890s, hypnosis and magnetism performances in Istanbul seem to have increased to such an extent that they attracted the attention not only of the press but also of the political authorities. In these years, when psychology was still in the process of establishing itself as an autonomous and legitimate scientific discipline even in Europe, it is conceivable that the texts on hypnotism and magnetism had a certain secularizing effect on a section of the imperial elite. After the revolution of 1908, a storm literally broke out in this field. While publications on magnetism continued, there was a serious explosion of publications on spiritism. It was also at this time that the first positive and negative Islamic reactions to magnetism and spiritualism were formulated, comparing the Islamic doctrine of the supernatural with the theories of magnetism and spiritism.

 

Hatice Sena ARICIOĞLU, Koç University

New Souls in an Old Land: Turkish Spiritism's Response to Secular Vulnerabilities / De nouvelles âmes dans une terre ancienne : la réponse du spiritisme turc aux vulnérabilités séculaires  

English Abstract

This study explores Turkish spiritism, particularly the Ruhselman Circle (1936–1969), as a response to the moral and existential vulnerabilities emerging from Turkey's secularization and modernization. In a society shaped by a strong Islamic tradition and secular policies, spiritism emerged as a hybrid spiritual practice, reconciling scientific inquiry with spiritual belief. Spearheaded by Bedri Ruhselman, spiritism sought to address what many intellectuals perceived as a “moral gap” in the wake of republican reforms, offering a “scientific” approach to spirituality. Drawing on a combination of sociological and historical methods, this research analyses a wide range of primary sources, including spiritist biographies, doctrinal publications, official documents, and over 300 coded issues from six spiritist journals. Through prosopographical and qualitative text analysis, the study constructs a group biography of over 200 spiritists, contextualizing their beliefs and practices within Turkey's socio-political transformations. The research explores how Turkish spiritists negotiated the tension between modern science and religion, challenging dualistic frameworks of secular versus religious identities and presenting spiritism as an alternative form of spirituality. By examining how spiritists utilized scientific methods in their metaphysical inquiries, the study highlights their efforts to negotiate power, identity, and ideology in a rapidly changing religious field. This study argues for a more nuanced understanding of secularization, one that acknowledges the hybrid identities and diverse expressions of secularity emerging in Turkey and demonstrates how Turkish spiritism provides a complex response to the vulnerabilities faced by intellectuals during a period of profound social change. Thus, Turkish spiritism is presented for the emergence of new souls, reflecting the broader societal shift towards alternative spiritualities in contemporary Turkey.

Résumé en français

Cette étude explore le spiritisme turc, en particulier le Cercle Ruhselman (1936–1969), en tant que réponse aux vulnérabilités morales et existentielles issues de la sécularisation et de la modernisation de la Turquie. Dans une société façonnée par une forte tradition islamique et des politiques laïques, le spiritisme est apparu comme une pratique spirituelle hybride, conciliant la recherche scientifique et la croyance spirituelle. Le spiritisme cherche à combler ce que de nombreux intellectuels percevaient comme un « vide moral » à la suite des réformes républicaines, en proposant une approche « scientifique » de la spiritualité. En combinant des méthodes sociologiques et historiques, cette recherche analyse des sources primaires, comprenant des biographies spirites, des publications doctrinales, des documents officiels et plus de 300 numéros de six revues spirites. Grâce à une analyse prosopographique et qualitative des textes, l'étude construit une biographie collective de plus de 200 spirites, en contextualisant leurs croyances et pratiques dans les transformations sociopolitiques de la Turquie. La recherche explore comment les spirites turcs ont négocié la tension entre la science moderne et la religion, remettant en question les cadres dualistes des identités laïques et religieuses et présentant le spiritisme comme une forme alternative de spiritualité. En étudiant la manière dont les spirites ont utilisé des méthodes scientifiques dans leurs recherches métaphysiques, cette étude met en évidence leurs efforts pour négocier le pouvoir, l'identité et l'idéologie dans un domaine religieux en pleine évolution. Cette étude plaide pour une compréhension plus nuancée de la sécularisation, qui reconnaisse les identités hybrides et les diverses expressions de la laïcité qui émergent en Turquie et démontre comment le spiritisme turc offre une réponse complexe aux vulnérabilités rencontrées par les intellectuels pendant une période de profond changement social.

 

Kerem Görkem ARSLAN, Université de Strasbourg & CNRS, UMR 7354 DRES

Pourquoi le paganisme à l'ère contemporaine ? Construction des identités néopaïennes sous l'influence de l'islamo-conservatisme / Why Paganism in the Contemporary Era? Constructing Neo-Pagan Identities under the Influence of Islamic Conservatism

Résumé en français 

Dans la Turquie contemporaine, de nouveaux mouvements religieux et des spiritualités alternatives émergent aux côtés de l'islam sunnite dominant, reflétant l'interaction complexe entre modernisation, mondialisation et construction identitaire dans une société de plus en plus pluraliste. Parmi ces mouvements, les religiosités néopaïennes et les nouvelles spiritualités, ancrées dans des tendances globales mais adaptées au contexte local, offrent un exemple frappant de la manière dont des identités religieuses marginalisées se forment dans le paysage social turc. 

Cette étude interdisciplinaire, fondée sur des travaux de terrain comprenant des entretiens et des observations participantes, examine les dynamiques de ces identifications spirituelles émergentes. En se concentrant sur le néopaganisme et le néotengrisme – aux côtés d'autres identifications alternatives telles que le bouddhisme, l'athéisme et le satanisme – la recherche vise à explorer les facteurs sociopolitiques, culturels et communicationnels qui favorisent leur essor. Elle cherche également à mettre en lumière comment ces mouvements remettent en question les frontières traditionnelles entre le religieux et le séculier, et comment ils répondent aux tensions sociétales plus larges entre conservatisme et individualisme dans la Turquie moderne. 

À travers une approche croisant en particulier anthropologie et science politique, cette recherche entend fournir une compréhension nuancée de ces mouvements marginalisés, offrant un aperçu de leurs pratiques, de leurs réseaux et des enjeux sociaux auxquels ils sont confrontés dans une société à la croisée des chemins entre tradition et changement.

English Abstract

In contemporary Turkey, new religious movements and alternative spiritualities are emerging alongside dominant Sunni Islam, reflecting the complex interplay of modernization, globalization, and identity formation in an increasingly pluralistic society. Among these, Neo-Pagan religiosities and new spiritualties, rooted in broader global trends yet locally contextualized, offer a striking example of how marginalized religious identities are taking shape in the Turkish social landscape. 

This interdisciplinary study, grounded in fieldwork including interviews and participant observation, examines the dynamics of these emergent spiritual identifications. By focusing on Neo-Paganism and Neo-Tengrism – alongside other alternative identifications such as Buddhism, Atheism, and Satanism – the research seeks to explore the socio-political, cultural, and communicational factors driving their rise. It also aims to shed light on how these movements challenge traditional boundaries between the religious and the secular, and how they respond to the broader societal tensions between conservatism and individualism in modern Turkey. 

Through an interdisciplinary approach combining particularly anthropology and political science, this research aims to provide a nuanced understanding of these marginalized movements, offering a snapshot of their practices, networks, and the social issues they navigate in a society at the crossroads of tradition and change.

 

Atelier 2 : Résistance, politisation et reconfiguration des identités (a)religieuses en Turquie contemporaine

Résumé en français : Cet atelier explore les tensions sociopolitiques autour des nouvelles formes d'expression religieuse et des récits de déconversion dans la Turquie contemporaine. Les débats porteront sur le déisme, analysé à la fois comme phénomène sociologique et construction idéologique, ainsi que sur les récits de déconversion, utilisés comme outils critiques envers le référent musulman dominant. Une attention particulière sera également accordée à la politisation de ces nouvelles formes religieuses et des significations différenciées des traditions folklorisées. Cet atelier examine comment ces phénomènes reflètent les recompositions identitaires et les nouvelles formes de résistance spirituelle dans une Turquie tiraillée entre modernité et tradition. 

English version : This workshop explores the sociopolitical tensions surrounding new forms of religious expression and narratives of deconversion in contemporary Turkey. The discussions will focus on deism, analyzed both as a sociological phenomenon and an ideological construct, as well as on deconversion narratives used as critical tools against the dominant Muslim framework. Particular attention will also be given to the politicization of these new religious forms and the differentiated meanings of folklorized traditions. This workshop examines how these phenomena reflect identity recompositions and new forms of spiritual resistance in a Turkey torn between modernity and tradition.

 

Responsable(s) / Leader(s) : Kerem Görkem ARSLAN, Université de Strasbourg, UMR 7354 DRES, kg.arslan@unistra.fr

Discutant / Chairperson : Anne-Laure ZWILLING, CNRS, UMR 7354 DRES

 

Samim AKGÖNÜL, Université de Strasbourg, UMR 7354 DRES

Les débats sur le déisme en Turquie : réalité sociologique ou paranoïa des islamistes normatifs ? / Debates on Deism in Turkey: Sociological Reality or Paranoia of Normative Islamists?

Résumé en français

Le déisme, qui postule l'existence d'un créateur sans adhésion aux dogmes religieux, est devenu un sujet clivant en Turquie. Deux interprétations dominent: une montée sociologique réelle, notamment chez les jeunes urbains, et une exagération stratégique des islamistes normatifs. Depuis les années 2000, la religiosité institutionnelle, soutenue par l'État, a suscité des critiques croissantes. Les jeunes, désillusionnés par l'hypocrisie perçue des figures religieuses et l'instrumentalisation politique de l'islam, explorent des formes de spiritualité plus individuelles. Le déisme apparaît comme une alternative permettant de rejeter les contraintes dogmatiques tout en conservant une croyance transcendante. Cependant, certains analystes relativisent l'importance de ce phénomène. Les islamistes normatifs, alarmés par ce qu'ils qualifient de « crise déiste », instrumentalisent ces débats pour consolider leur contrôle idéologique et détourner l'attention des problèmes internes. Le déisme est ainsi présenté comme une menace culturelle ou une porte ouverte à l'athéisme, renforçant la polarisation sociale. Si le déisme est indéniablement présent, son ampleur et son influence restent difficiles à quantifier. Il reflète autant un changement générationnel et sociologique qu'une construction idéologique amplifiée par les gardiens de l'orthodoxie religieuse. Ces débats illustrent les tensions profondes d'une Turquie tiraillée entre modernité et tradition, quête individuelle et contrôle institutionnel, foi et rationalité.

English Abstract 

Deism, which posits the existence of a creator without adherence to religious dogmas, has become a polarizing topic in Turkey. Two dominant interpretations emerge: a genuine sociological rise, particularly among urban youth, and a strategic exaggeration by normative Islamists. Since the 2000s, institutional religiosity, supported by the state, has provoked growing criticism. Young people, disillusioned by the perceived hypocrisy of religious figures and the political instrumentalization of Islam, are exploring more individual forms of spirituality. Deism appears as an alternative that rejects dogmatic constraints while maintaining a transcendent belief. However, some analysts downplay the significance of this phenomenon. Normative Islamists, alarmed by what they term a “deist crisis”, instrumentalize these debates to consolidate their ideological control and distract from internal issues. Deism is portrayed as a cultural threat or a gateway to atheism, further deepening social polarization. While deism is undeniably present, its scope and influence remain difficult to quantify. It reflects both a generational and sociological shift as well as an ideological construct amplified by the guardians of religious orthodoxy. These debates highlight the deep tensions in a Turkey caught between modernity and tradition, individual quest and institutional control, faith and rationality.

 

Théo MALÇOK, EHESS

 « Comment es-tu devenu athée ? » Le récit de déconversion comme outil de sensibilisation à la cause athéiste en Turquie contemporaine / « How did you become an atheist? » The deconversion narrative as an awareness-raising tool for the atheist cause in contemporary Turkey

Résumé en français

Cette présentation a pour objectif d'analyser le processus d'instrumentalisation des récits personnels d'adhésion à l'athéisme à des fins de dénonciation collective de l'imposition du référent musulman majoritaire en Turquie contemporaine. Pour ce faire, je me baserai sur l'étude d'un corpus de récits de vie parus dans un magazine numérique, le « Magazine Athée » (2013-2018), créé par des militants de la cause athéiste turque que j'ai pu rencontrer dans le cadre de plusieurs séjours d'enquête de terrain entre 2018 et 2024. Comment la mise en récit d'une sortie de la religion est-elle transformée en vitrine d'une lutte contre le déni des sensibilités athées ? Au fil d'une analyse combinée du corpus et des pratiques éditoriales, il apparaîtra de plus en plus évident que le narratif répété de la « déconversion » (R. W. Hood & Z. Chen), d'un Islam imposé à un athéisme choisi, s'inscrit dans un « dispositif de sensibilisation » (C. Traïni et J. Siméant) plus large, fondé sur l'exploitation du stéréotype de la « victime affranchie » (Ç. Aykaç). Pour étayer cette hypothèse, je procéderai en trois temps. Je débuterai, tout d'abord, par un bref compte-rendu des matériaux étudiés. Dans un deuxième temps, je discuterai et définirai les trois concepts centraux de mon analyse : le récit de déconversion, le dispositif de sensibilisation, et le stéréotype de la victime affranchie. Dans un troisième temps, je fournirai les éléments empiriques qui soutiennent mon hypothèse en examinant successivement la ligne éditoriale du Magazine Athée, les types de récits de vie mis en avant par les éditeurs, et les réactions affectives que ces derniers visent à susciter.

English Abstract

This presentation aims to analyze the militant uses of personal narrative of adherence to atheism as a means of collectively denouncing the imposition of the dominant Muslim referent in contemporary Turkey. TO do so, I will draw on the study of a body of life stories published in a digital magazine, the « Atheist Magazine » (2013-2018), created by activists of the Turkish atheist cause whom I have encountered during several field investigations between 2018 and 2024. How is the narrative of an exit from religion transformed into a showcase for a struggle against the denial of atheist sensibilities in a majority Muslim society? Through a combined analysis of the magazine's life stories and its editorial agenda, i twill become increasingly clear that the repeated narrative of « deconversion » (R. W. Hood & Z. Chen), from an imposed Islam to a chosen atheism, is embedded in a broader “awareness-raising device” (C. Traïni and J. Siméant), based on the exploitation of the stereotype of the “emancipated victim” (Ç. Aykaç). To substantiate this hypothesis, I will proceed in three stages. Secondly, I will discuss and define the three concepts central to my analysis: the deconversion narrative, the awareness-raising device, and the stereotype of the emancipated victim. Thirdly, I will provide empirical evidence in support of my hypothesis by successively examining the Atheist Magazine's editorial line, the types of life stories put forward by the editors, and the affective reactions they aim to elicit.

 

Tamerlan QULIYEV, Université de Strasbourg, ITI MAKErS, UMR 7354 DRES

Des traces du zoroastrisme en Türkiye: Les célébrations de Nevruz et ses différences par rapport aux autres communautés turques / Traces of Zoroastrianism in Türkiye: Nowruz celebrations and its differences from other Turkish communities

Résumé en français

Türkiye abrite plusieurs communautés confessionnelles qui se distinguent par leurs rituels, leurs traditions et leurs célébrations religieuses. Le zoroastrisme a inspiré un grand nombre de motifs, de symboles et de festivités dans les traditions religieuses de la Mésopotamie et dans de nombreuses religions pratiquées activement en Anatolie comme l'alévisme, le yézidisme et le bahaïsme. En outre, Nevruz et Hıdırellez sont toujours parmi les célébrations non islamiques les plus populaires dans cette région. 

Une des réactions les plus significatives à ces groupes religieux concerne leurs engagements politiques. Depuis des décennies, la célébration de Nevruz (Nowruz ou Norouz) est synchronisée avec les manifestations organisées par la communauté kurde et alévie en Türkiye qui ont subi une réaction sociale et même des interdictions politiques. Par conséquent, malgré le fait qu'il soit officiellement reconnu comme une fête de printemps en Iran et dans les États turcs du Caucase et d'Asie centrale, ce rassemblement festif est perçu comme une tentative de dégradation culturelle par l'extrême gauche et la minorité kurde de la République de Türkiye. 

Cette communication vise à comprendre les motivations de la politisation de Nevruz en Türkiye, une célébration du printemps inspirée du zoroastrisme et fondée sur le symbole du feu qui éveille la terre et la nature. Elle vise également à déterminer si l'interprétation de cette célébration diffère dans d'autres territoires. Dans un contexte anthropologique, les divers concepts générés au sein de la communauté sur ces festivités seront exposés au public grâce aux recherches basée sur des facteurs comparatives entre la Turquie, l'Iran et autres régions turcophones. 

English Abstract

Türkiye is home to several faith communities, each with its own rituals, traditions and religious celebrations. Zoroastrianism has inspired a large number of motifs, symbols and festivities in the religious traditions of Mesopotamia and in many of the religions actively practised in Anatolia, such as Alevism, Yezidism and Baha'ism. In addition, Nevruz and Hıdırellez are still among the most popular non-Islamic celebrations in this region. 

One of the most significant reactions to these religious groups concerns their political commitments. For decades, the celebration of Nevruz (Nowruz or Norouz) has been synchronised with events organised by the Kurdish and Alevi community in Türkiye, which have faced social backlash and even political bans. Consequently, despite the fact that it is officially recognised as a spring festival in Iran and in the Turkish states of the Caucasus and Central Asia, this festive gathering is perceived as an attempt at cultural degradation by the extreme left and the Kurdish minority in the Republic of Türkiye. 

This paper aims to understand the motivations behind the politicisation of Nevruz in Türkiye, a spring celebration inspired by Zoroastrianism and based on the symbol of fire that awakens the earth and nature. It also aims to determine whether the interpretation of this celebration differs in other territories. In an anthropological context, the various concepts generated within the community about these festivities will be exposed to the public based on research into comparative factors between Turkey, Iran and other Turkish-speaking regions.



  • Autre
Personnes connectées : 8 Vie privée
Chargement...